N° 622 | Le 23 mai 2002 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)
La place du père dans la famille contemporaine n’est plus une évidence donnée d’avance. Nous sommes entrés dans une période marquée par une forme de polyculture de la parentalité où chacun, père, mère mais aussi enfant est en recherche d’un nouveau statut qui ne va plus de soi mais dépend intimement de la façon dont s’agencent les relations au sein de la famille. Au temps de la toute-puissance de l’église, la paternité ne pouvait s’acquérir que grâce au mariage religieux. La femme de son côté devait se porter garante de l’authenticité de cette paternité par un comportement conjugal exemplaire. Le père incarnait le droit, l’autorité, dans une société très communautaire. L’enfant était amené à reproduire l’exemple de son géniteur.
À partir de la Révolution de 1789 et avec l’avènement de la société industrielle, le pouvoir paternel progressivement diminue. Le père, s’il veut rester effectivement chef de famille, doit par son travail subvenir aux besoins des siens. Cependant, il conserve un certain nombre de prérogatives même si l’État s’affirme de plus en plus comme un relais éducatif chargé de transmettre aux enfants les valeurs de la République.
Aujourd’hui, et bien que la société demeure à domination masculine, la famille n’est plus centrée sur le père. À cela plusieurs raisons. La maîtrise de la fécondité et les revendications en matière d’égalité professionnelle confèrent dorénavant un nouveau statut aux femmes. Elles sont devenues des sujets sociaux qui ne se définissent plus uniquement en fonction de leur statut d’épouse ou de mère. Parallèlement, l’objectif de la famille s’est déplacé de l’intérêt pour le père vers l’intérêt pour l’enfant mais le rôle tenu par la mère dans l’épanouissement de l’enfant est toujours prédominant. La filiation de sang a perdu de son importance du fait des nombreuses recompositions familiales et si le père reste « éducateur », il n’est plus nécessairement le « père biologique ».
Aussi, les places socialement assignées ayant tendance à se diluer, c’est plutôt la qualité du lien qui prend de l’importance dans les configurations familiales actuelles. La paternité devient à cet égard une fonction essentiellement relationnelle dans le sens où les « nouveaux » pères se veulent des animateurs, des accompagnateurs de l’affirmation identitaire des enfants. Mais ce nouvel exercice de la paternité est encore insuffisamment reconnu sous l’angle institutionnel. L’enjeu est donc aujourd’hui de faire en sorte que les institutions accompagnatrices de la petite enfance, de l’enfance et de l’adolescence se mettent en phase avec les évolutions contemporaines. Celles-ci vont dans le sens d’un partage plus équitable entre les hommes et les femmes des rôles autour de l’enfant. Il serait dommage que les pouvoirs publics mésestiment ce rééquilibrage.
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