N° 936 | Le 9 juillet 2009 | Joseph Rouzel | Critiques de livres (accès libre)

La mort du père dans le travail social

Marc Zerbib


éd. ASH, 2009 (157 p. ; 21 €) | Commander ce livre

Thème : Psychanalyse

Un certain nombre d’ouvrages actuels s’inquiètent de la mort du père. Marc Zerbib qui a été travailleur social, aujourd’hui président d’une association qui accueille des jeunes (ASE et justice), écrit ici à partir de cette expérience professionnelle, tout en prenant pour socle, comme psychanalyste, l’enseignement de Jacques Lacan. Il est vrai que Lacan fut un pionnier pour s’inquiéter du déclin de l’imago paternelle, dès 1938. Du déclin à la mort, soutient Marc Zerbib, il n’y a qu’un pas et les effets en retour dans le travail social en sont patents : désarrimage de la fonction symbolique, rupture de transmission dans la filiation et l’enseignement, perte de repère dans des figures d’autorité, addiction aux objets de consommation…

Pourtant les choses sont-elles si simples ? Le père n’apparaît après tout que comme figuration du principe de transcendance, à savoir qu’il faut à l’homme un ciel au-dessus de sa tête pour cheminer sur terre. Il lui faut une référence, des valeurs, des principes. Mais encore faut-il que ça lui soit transmis. Bref le père est mort, en tout cas une certaine part imaginaire du père, mais ne peut-on, comme pour la fonction royale, crier en chœur : le père est mort, vive le père !

Le dernier enseignement de Lacan nous ouvre des perspectives directement exploitables en travail social. De ce déclin naît un effet de pluralisation des Noms du père et de la transmission. Se pose alors une question pour tous les chargés d’éducation, comment accueillir et valoriser les « branchements » singuliers qu’invente chaque sujet - ça se dit symptôme - pour se soutenir parmi les autres ? Encore faut-il que ces sujets trouvent à qui parler. « L’issue est dans une éthique qui donne son espace au sujet », conclut Marc Zerbib. Remercions-le d’avoir à sa façon rouvert ce chantier inachevé qui promeut que « du père on peut s’en passer, à condition de s’en servir ».


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