N° 905 | Le 13 novembre 2008 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

La justice pénale des mineurs en Europe

Sous la direction de Francis Bailleau & Yves Cartuyvels


éd. l’Harmattan, 2007 (330 p. ; 29 €) | Commander ce livre

Thème : Justice

Il est des mouvements historiques qui progressent de concert, en se moquant des frontières. Ainsi en a-t-il été, dès le début du XXe siècle, de l’unification des politiques judiciaires sur le continent européen en direction des mineurs. Partout, on a vu apparaître une législation s’appuyant sur une définition stricte de l’âge de la minorité, une chambre et/ou des magistrats qui leur étaient dédiés, la prise en compte de leur personnalité et de leurs conditions d’existence, la disjonction entre la nature de l’acte et les mesures ou sanctions prises, la primauté des mesures protectrices sur les mesures répressives, le rejet des procédures rapides. Et puis, à l’orée du nouveau siècle, a émergé un autre paradigme qui a mis l’accent sur la réduction des risques, le contrôle et la nouvelle place accordée aux victimes.

Une vague néolibérale a submergé nos sociétés démantelant les systèmes sociaux garantis par l’Etat, accusés d’entretenir la dépendance des exclus et voulant leur substituer l’individualisme méritocratique. L’autorité publique s’est vue niée dans son rôle de garant du bien-être général et réduite à la tâche régalienne de gardien de la sécurité publique. La dialectique de la responsabilité s’est inversée : à la fonction protectrice que la société s’imposait jusqu’alors à l’égard des plus jeunes de ses membres, a succédé un modèle sécuritaire basé sur la figure de l’adolescent seul responsable de sa trajectoire. La réponse pénale qui privilégiait le bien commun par le rappel des valeurs sociales opte dorénavant pour l’intérêt individuel et la réparation de ses dommages moraux ou matériels. La justice des mineurs a progressivement glissé vers la diabolisation du jeune délinquant et le choix de punir plutôt que de traiter le problème. Ce constat méritait toutefois d’être confronté aux évolutions des différents pays.

Treize chercheurs européens et un canadien dressent ici l’état des lieux de leur pays respectif. De quoi constater tant le rouleau compresseur du nouveau modèle néolibéral que la résistance à son offensive. On y apprend l’indulgence de la justice italienne qui applique bien rarement les sanctions, préférant laisser aux familles la surveillance de leur progéniture, que l’existence en Norvège de centres d’éducation surveillé guère réformés depuis que l’occupant allemand en avait fait l’éloge comme modèle de camp de concentration ! On découvre le refus de la législation slovène de céder aux tendance répressives, qui n’empêche pas ce pays de plafonner à 4 % des 14-17 ans concernés par la délinquance et à 1 % par des mesures judiciaires. On voit encore se confirmer la montée de la justice restaurative, compromis entre les réponses purement paternaliste traditionnelle et distributive (à un acte, une sanction).


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