La Chapelle : l’urgence d’un lieu d’accueil

Plusieurs associations interpellent, par une lettre ouverte, ce 12 juin, le ministre de l’Intérieur, le directeur de l’OFPRA, de l’OFII et la mairie de Paris, pour dénoncer « la défaillance systémique des pouvoirs publics, incapables de fournir un accueil décent aux demandeurs d’asile ». Le démantèlement du campement boulevard de la Chapelle provoque des conséquences en cascade : tentatives, violemment réprimées par la police, d’installation d’autres campements, errance de personnes sans solution pour dormir ou manger, réactions multiples des associations et des politiques, saisine du défenseur des droits qui lance une enquête sur ces opérations policières… Mylène Stambouli, avocate et membre de la Ligue des droits de l’Homme, signataire de cette lettre ouverte, donne son éclairage de la situation.

Savez-vous où sont les personnes expulsées du campement sous le métro aérien du boulevard de la Chapelle ?
Il est très difficile de localiser toutes ces personnes. Il semble y avoir eu un tri à l’origine, peut-être lors des contacts pris avant l’évacuation par Emmaüs et FTDA. Un tri a été fait entre les personnes qui pouvaient et voulaient demander l’asile en France et les autres. Une approche un peu binaire, alors que les situations des personnes ne sont souvent pas aussi simples. Certaines disent vouloir entrer dans la procédure d’asile en France. Elles sont prises en charge, la procédure de traitement de leur demande est accélérée. Et puis, il y a les autres qui pour des raisons très diverses refusent d’entrer dans la procédure mais c’est peut-être sans avoir reçu d’informations ou d’explications.

Suite à l’opération policière pour empêcher la reconstitution d’un autre campement devant la halle Pajol, des personnes ont été emmenées en centre de rétention (CRA), savez-vous combien ?
Une quarantaine de personnes sont en CRA, certaines sont passées devant le tribunal administratif le mardi 9 juin. La moitié a été libérée, l’autre est retournée en rétention. D’autres audiences sont prévues dans les prochains jours. Ces personnes sont originaires du Soudan, d’Erythrée et ne seront certainement pas renvoyées dans leur pays d’origine, cela n’empêche pas – et n’a jamais empêché auparavant – qu’elles fassent parfois jusqu’à 45 jours de rétention.

Pourquoi certaines personnes refusent d’entrer dans la procédure de demande d’asile ?
Je travaille sur le campement du 13e sous la cité de la mode : une cinquantaine de tentes se sont installées sur les quais. Tous les soirs, nous tenons une permanence avec plusieurs associations de 18 heures à 20 heures. Dans ce campement, nous retrouvons les mêmes situations qu’au campement de la Chapelle. Beaucoup de personnes sont fichées en Italie ou en Espagne, car la plupart passent par ces pays et leurs empreintes sont prises lors de leur entrée dans l’espace européen. Dès lors, elles entrent dans la procédure dite de Dublin qui veut que la demande d’asile soit traitée dans le premier pays européen rencontré. D’autres encore disent vouloir aller à Londres. Ont-elles reçu toute l’information nécessaire ? Nous ne le savons pas.

Quelle serait la réponse appropriée ?
Nous demandons la mise en place d’un lieu où ces réfugiés obtiendraient des informations pour décider ensuite s’ils entrent ou non dans la procédure. On ne peut pas, dans la rue, demander à une personne si elle entame une procédure d’asile ou non. En réalité, toutes ces personnes relèvent d’une protection internationale vu la situation dans leur pays d’origine. On ne voit pas comment il serait possible de dire : on va les renvoyer dans leur pays. Je souhaite que le lieu évoqué par la mairie de Paris aille dans ce sens mais je n’en suis pas sûre car les déclarations sont contradictoires.

Propos recueillis par Marianne Langlet