N° 952 | Le 3 décembre 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

L’éducation spécialisée en Bretagne 1944-1984

Mathias Gardet & Alain Vilbrod


éd. Presse universitaire de Rennes, 2008 (297 p. ; 22 €) | Commander ce livre

Thème : Histoire

C’est la loi du 5 août 1850 qui crée les premières délégations de service public permettant de confier au secteur privé, indemnisé sur la base d’un prix de journée, les missions de protection de l’enfance. Les premières tentatives de coordination des différentes œuvres existantes, constituées pour l’essentiel de congrégations, datent du Front populaire. Mais, c’est le régime de Vichy qui instaure en 1943 le dispositif qui va le permettre : ce sont les associations régionales de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence.

L’ouvrage se penche sur l’histoire spécifique de cette institution en Bretagne, proposant un va-et-vient permanent entre ce qui s’y est joué localement et ce qui relève d’une évolution à l’échelle nationale. Les Arsea doivent d’abord convaincre les établissements de la pertinence de s’affilier en leur sein. La méfiance est souvent de mise. Elle le sera d’autant plus lorsque, après guerre, émergeront des fédérations concurrentes telles l’ANCE, l’Uniopss ou bientôt l’Unapei. Le coup de pouce de l’Etat venant financer à 100 % les nouvelles structures dont la personne morale est l’Arsea (contre 80 % dans les autres cas) permettra d’agrandir cette sphère d’influence. Cette bienveillance de l’administration n’est pas un hasard.

Ces associations fondées sur la législation de la loi 1901 s’avèrent être administrées par des fonctionnaires, en ne bénéficiant que d’une marge de liberté extrêmement réduite. Conçues initialement comme une transition devant déboucher sur un service public de l’enfance inadaptée (qu’un projet de loi datant de 1944 se propose d’ailleurs d’organiser), les Arsea font en fait fonction d’organisme d’exécution d’un ministère de la Santé ne disposant pas de relais locaux, comme peuvent en avoir ses homologues de l’Education nationale (Académies) ou de la Justice (Education surveillée). La mise en place, à compter de 1964, des administrations déconcentrées (DDASS) sonnera le glas des Arsea, ces nouvelles autorités n’entendant plus laisser à d’autres le soin de réguler le développement du tissu institutionnel.

À côté des associations départementales de sauvegarde qui subsistent et se fédèrent très vite au niveau national (Unasea), se créent alors les Centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadaptée. Toujours placés sous le contrôle étroit de l’Etat, ces CREAI que l’on connaît encore aujourd’hui vont progressivement être contraints de renoncer à la gestion directe d’établissements, puis des centres de formations. La diminution de moitié de leurs subventions les contraindra pour survivre à se tourner vers les cotisations des institutions affiliées et les ressources de leurs prestations.


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