N° 748 | Le 7 avril 2005 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

L’éducateur d’une métaphore à l’autre

Coordonné par Jean Brichaux


éd. érès, 2004 (248 p. ; 23 €) | Commander ce livre

Thème : Éducateur spécialisé

Les métaphores rendent les idées plus sensibles et le verbe plus accessible. L’image parle plus vite, le cliché frappe plus fort. C’est à ce sens figuré qui confère à la compréhension une forme de fulgurance auquel Jean Brichaux a convié 19 contributeurs, leur demandant de réfléchir au métier d’éducateur. Cela donne un résultat très inégal allant d’une profondeur et d’une intensité tout à fait remarquables à des textes assez hermétiques.

Parmi les réussites, nous retiendrons l’éducateur, bouclier infanto-protecteur qui se dresse entre l’enfant et les interactions délétères qui le menacent. Cette protection doit se faire indestructible (pour supporter tous les chocs), suffisamment souple (pour absorber l’agressivité sans se fendre), hypersensible (pour identifier la souffrance), inconditionnellement disponible (nos adolescents rebelles attendent de vérifier qu’on les aime toujours quoiqu’ils fassent) (Francis Alföldi). Quel que soit son lieu d’exercice, l’éducateur affronte au quotidien des situations complexes caractérisées tout à la fois par l’unicité, la multidimentionnalité, la simultanéité, l’urgence et l’incertitude. Il se doit alors de déployer la ruse de la Métis, cet ensemble hétéroclite mais cohérent d’attitudes mentales et de comportements intellectuels où la sagacité et le sens de l’opportunité côtoient le flair et la débrouillardise (Jean Brichaux).

L’éducateur a un rôle de passeur entre un passé prégnant et un futur à découvrir, aidant l’Autre à devenir le créateur de sa propre existence (Christian Dulieux). L’éducateur est une sorte de mentor : c’est parce qu’il n’est pas aveuglé par la filiation, qu’il voit au-delà de ce qui se donne à voir dans l’immédiat, qu’il sait que l’être ne saurait jamais se réduire au paraître et qu’il peut l’aider à trouver un sens à sa vie (Philippe Gaberan). La vocation de l’éducateur, c’est de prendre part à la souffrance de l’enfant. Ce n’est ni l’excuser, ni expliquer mais comprendre, prendre avec soi, sur soi, porter sur ses épaules son sac pour le décharger un moment de ses misères et de ses galères (Patrick Korpes). L’éducateur est un agent double, car il défend en même temps les intérêts des deux instances dynamiques que sont l’adaptation et l’autonomie : il est adaptateur à la conformité et émancipateur des singularités (Pierre Manil).

C’est l’enfant qui fait l’éducateur. C’est à partir de son manque à savoir sur l’enfant qu’il peut l’aider à se remettre en marche (Daniel Roquefort). Soit l’éducateur est agent de normalisation… il peut alors devenir directeur. Soit il s’installe dans la ruse et deviendra bricoleur. Le savoir savant a sa valeur, mais ne recouvre pas l’être : laisser de côté son savoir et son savoir-faire, pour se livrer à l’énigme de la rencontre. Puis il se bricole une représentation du sujet qu’il côtoie à partir de ce qui lui arrive en relation (Joseph Rouzel).


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