L’avenir de la formation en travail social questionné par l’Ire

L’Interrégionale des formatrices et formateurs en travail social (l’Ire), qui regroupe une quarantaine d’adhérents, a organisé ses journées d’étude vendredi et samedi à l’Institut de formation, recherche, animation, sanitaire et social (IFRASS) de Toulouse.
Devant une centaine de formateurs et d’étudiants, Dominique Lepage, formatrice à l’Ifrass, pose le décor : il s’agit de réfléchir « à la logique techniciste dont on veut peut-être nous faire devenir des agents » sans « être perçus comme des réacs du social ». En toile de fond : la refonte des cinq diplômes d’État de niveau III des métiers du social, dont la mise en œuvre est prévue pour septembre, en l’absence de textes officiels qui se font toujours attendre. Un énième rebondissement dans ce douloureux processus entamé depuis 2014 avec le lancement des États généraux du travail social.

Contre le technicisme

Après une conférence du formateur et docteur en sociologie politique Dominique Depenne, inspirée par la philosophie lévinassienne - singularité, altérité, éthique et utopie, ou comment lutter contre le technicisme qui cherche à régir les relations humaines -, L’Ire proposait sa lecture de la refonte des diplômes. « Parmi les points positifs, le cœur de métier et la relation éducative ont été préservés dans les cinq métiers, ainsi que la possibilité de faire des stages longs, et le tuteur de stage restera un professionnel exerçant le même métier » décrit Julien Parent, co-président de l’Ire. Mais d’autres points inquiètent : la difficulté de trouver des stages réellement qualifiants, l’adossement à l’Université et ses implications, la rentrée future dans Parcoursup, l’absence d’avancée sur la gratification des stages et la disparition de la visite de stage dans le livret de formation adossé à la réforme.

Rapport de force

Dans la salle, les formateurs expriment leurs différentes craintes face à cette réforme qui risque de mettre un coup aux spécificités du travail social, en rentrant dans un modèle où l’expérience de terrain serait secondaire face aux savoirs disciplinaires. Chacun y voit le résultat d’un rapport de force entre défenseurs de l’identité des métiers et « les lobbys qui influencent le gouvernement : le groupe SOS de Jean-Marc Borello, l’entreprenariat social », avec un avantage pour les seconds.

Mais l’inquiétude va au-delà de la seule refonte des diplômes, après la diffusion du projet politique de l’Union nationale des acteurs de formation et de recherche en intervention sociale (Unaforis) présenté le 26 juin. « Il porte des projets très inquiétants : on peut lire par exemple dans son étude prospective que "le modèle de l’école, comme lieu "physique" commun et unique des apprentissages a vécu" » constate Julien Parent. Afin de peser davantage dans ce rapport de force, l’Ire annonce qu’elle se réunira à la rentrée avec d’autres partenaires, dont Avenir Éducs, l’ONES et l’ANAS.