Justice des mineurs : faux et usage de faux

De l’Antiquité à aujourd’hui, de Socrate aux candidats à la présidentielle, le problème de la délinquance juvénile, avec un surcroit de sévérité comme unique solution, a toujours été d’actualité. La récente sortie du candidat LR François Fillon, souhaitant abaisser la majorité pénale à 16 ans, n’a donc rien de nouveau.

Parce que les jeunes et leurs comportements sont souvent instrumentalisés dans les campagnes politiques, diverses organisations, syndicats et associations (Syndicat de la magistrature, CGT PJJ, FSU etc.) publient un guide à l’usage de tous : Idées fausses sur la justice des mineurs : déminons le terrain.

Il rappelle d’abord un des fondements de l’Ordonnance de 1945 trop souvent remis en cause : la justice des mineurs est une justice à part, tout simplement parce qu’elle s’adresse à des enfants. Elle établit donc qu’un mineur délinquant est avant tout un enfant en danger, donc à protéger. La dimension éducative et les peines alternatives ont toute leur place dans les réponses à lui apporter.

Préjugés tenaces

Dans ce guide, des professionnels de terrain, juristes, sociologues, juges des enfants répondent à une dizaine de préjugés sur la justice des mineurs. Exemples.

« Les jeunes entrent dans la délinquance de plus en plus tôt » : FAUX
Si les chiffres tendent à montrer une entrée dans la délinquance plus précoce, ce n’est pas lié à une évolution des comportements mais parce qu’il existe aujourd’hui des instances et des dispositifs qui prennent en charge cette délinquance. Ces comportements ont toujours existé, mais les réactions institutionnelles se déclenchent de plus en plus tôt. Pour le sociologue Laurent Mucchielli, « les carrières délinquantes » se fixent à partir de l’âge de 15 ans, aujourd’hui comme hier.

« Les filles sont plus violentes et de plus en plus nombreuses à commettre des délits » : FAUX
Les femmes et les filles ont toujours été très minoritaires dans les statistiques de la délinquance (environ 10 à 15% des poursuites) selon Véronique Blanchard, éducatrice PJJ. On assiste ici à une crise morale plus qu’à une réalité de fait : la violence féminine, aujourd’hui perçue comme une « nouvelle menace », a toujours existé.

« Les parents des jeunes délinquant(e)s sont démissionnaires » : FAUX
C’est une explication qui convient à la société car elle permet de comprendre facilement la délinquance juvénile selon Guy Hardy, assistant de service social. Si l’on permet aux parents de prendre part aux interventions aux côtés des professionnels, si au lieu de les laisser de côté et de soulever leurs défaillances, on les écoutait et prenait en compte leurs compétences, alors ils ne seraient plus « démissionnés ». L’acte délinquant peut amener une crise familiale, il revient aux professionnels de « renforcer ce que cet acte risque de fragiliser ».

« La menace de peines lourdes peut enrayer la délinquance juvénile » : FAUX
Pour un adolescent en quête de repères, l’idée de la prison ne dissuade pas, elle conforte dans une construction d’identité de délinquant. C’est en étant au plus près des jeunes et en soutenant leurs parcours de vie vers l’insertion que l’on peut enrayer la délinquance. Nicolas Sallée, sociologue, rappellent aussi que la responsabilité est autant individuelle que collective, et qu’un acte ne doit pas être pris isolement de son contexte.

Le guide Idées fausses sur la justice des mineurs : déminons le terrain est accessible en téléchargement.