Justice des mineurs – L’alerte des professionnels

Ce 11 septembre, en Conseil des ministres, Nicole Belloubet, ministre de la Justice, présentait la réforme de la justice des mineurs. Cette réforme attendue de l’ordonnance de 45 ne sera pas votée par l’Assemblée mais passera par ordonnances.

Elle avance une « présomption de discernement », soit un seuil d’irresponsabilité pénale à 13 ans. La réforme laisse cependant la possibilité au procureur ou au juge de motiver leur décision s’ils souhaitent engager des poursuites pénales en dessous de 13 ans. Dans une contre-proposition à la réforme publiée en avril dernier, des professionnels de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), éducateurs, psychologues, magistrats avançaient un seuil irréfutable d’irresponsabilité pénale à 14 ans.

Mise à l’épreuve éducative

La réforme installe une nouvelle procédure qui supprime la procédure d’instruction devant le juge des enfants, permet un jugement en trois mois suivi d’une « mise à l’épreuve éducative » sur 6 à 9 mois avant la décision sur la sanction du juge des enfants. « Elle prend en compte l’évolution du mineur, sa personnalité, les efforts accomplis et/ou les incidents survenus » avance le ministère.

« C’est une rupture fondamentale avec l’esprit de l’ordonnance de 45 » réagissent plusieurs syndicats (CGT-PJJ, SNPES-PJJ, FSU) mobilisés ce même jour à Paris (photo) pour demander « des moyens pour l’éducation pas pour l’enfermement ». « On est sur une institution qui va promouvoir des mesures de contrôle, des mesures probatoires où la dimension éducative sera réduite à un paravent », s’emporte Vito Fortunato éducateur PJJ du SNPES-PJJ qui craint un bouleversement complet des pratiques des professionnels.
La nouvelle procédure est « un leurre », selon Aurore Trepp de la CGT-PJJ. « Désormais, le jugement sur la culpabilité interviendra dans les 10 jours à trois mois là où actuellement nous pouvons avoir 6, 8, 10 mois pour travailler, nous éducateurs, avec un adolescent sur sa responsabilité et qu’il puisse arriver à l’audience en disant : « j’ai compris ». La nouvelle procédure ne lui laisse plus ce temps là. Elle commence par poser la culpabilité puis interroge : si tu te tiens bien pendant la période de mise à l’épreuve alors la dispense de peine sera peut-être possible ».

Vingt nouveaux centres éducatifs fermés

La possibilité d’une audience unique qui juge à la fois de la culpabilité et de la peine reste possible, une sorte de comparution immédiate pour les mineurs, s’alarment les syndicats qui rappellent que, contrairement à une idée répandue, la justice des mineurs n’est pas laxiste. Selon eux, c’est ce faux procès qui pousse aujourd’hui le politique vers toujours plus de répressif. L’annonce de la création de 20 centres éducatifs fermés signe, pour ces professionnels, le choix du répressif sur l’éducatif. « Ce sont des antichambres de la prison » tranche Vito Fortunato qui rappelle les critiques répétées de ces centres par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Et leurs coûts bien plus importants que ceux des mesures en milieu ouvert.

Le ministère souligne que le Parlement a désormais un an pour débattre et modifier le projet de loi de ratification de cette réforme qui devrait entrer en vigueur le 1er octobre 2020.