N° 1004 | Le 3 février 2011 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Il a détruit la police de proximité

Jean-Pierre Havrin


éd. Jean-Claude Gawsewitch, 2010 (251 p. ; 18,90 €) | Commander ce livre

Thème : Banlieue

C’est un itinéraire peu commun que celui de Jean-Pierre Havrin. En 35 ans de carrière dans la police, il a franchi tous les échelons : inspecteur, commissaire, contrôleur général et conseiller auprès de Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Intérieur, sans oublier le poste de secrétaire général du syndicat des commissaires. Il aurait pu finir comme directeur central ou comme préfet. Mais le terrain lui manque. En 1999, il demande à être affecté comme directeur départemental de la sécurité de la Haute-Garonne. Régression dans sa carrière, lui fait-on remarquer.

Peu lui importe. Ce qui lui tient à cœur, c’est d’appliquer le concept qu’il a contribué à créer : la police de proximité. Il s’est bien rendu compte qu’il ne suffit pas de lancer un projet, aussi ambitieux soit-il. Encore faut-il réussir à faire suivre les échelons intermédiaires. Il n’y a jamais d’opposition frontale. Juste une puissante force d’inertie qui freine.

Jean-Pierre Havrin décide de faire du quartier sensible du Mirail, à Toulouse, un laboratoire. Un adolescent de dix-sept ans vient d’être tué par un policier. La situation est tendue. Justement, c’est le bon moment. Pendant quatre ans, il développe donc cette idée d’affecter des fonctionnaires de police sur un quartier. Il n’est pas question que ces effectifs servent de variable d’ajustement en fonction des besoins de maintien de l’ordre, comme cela a été le cas avec les îlotiers.

Ce doit être les mêmes policiers qui restent sur place, apprenant à connaître les habitants, les jeunes, leurs parents et se faisant connaître d’eux. Cette implantation répond à une approche sur le long terme : être proche de la population et ancré sur un territoire ; comprendre, écouter, aider pour ne pas seulement punir, mais aussi prévenir ; structurer une police non pas d’ordre mais au service des citoyens.

Quatre ans de lent et patient travail qui permet de commencer à pacifier le quartier. Et puis, voila Sarkozy qui surgit, le 3 février 2003. Il n’est encore que ministre de l’Intérieur. Mais il gesticule déjà beaucoup, lançant des solutions simplistes et des effets d’annonce qu’il croit médiatiquement payants. Affirmant que la police « n’est pas là pour organiser des matchs de rugby », il pose la force et la répression comme seule solution, déniant toute légitimité à la proximité.

L’heure est aux démonstrations spectaculaires qui font beaucoup de bruit, sans rien résoudre. Depuis, on est passé de 78 % à 49 % de la population faisant confiance à sa police. En 2008, Jean-Pierre Havrin devient adjoint au maire de Toulouse, chargé de la prévention et de la sécurité. Il réorganise, avec succès, le concept de proximité à la police municipale.


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