Handicap : favoriser l’exercice du droit de vote
C’est un coup de pied dans la fourmilière concernant le droit de vote des personnes handicapées : la secrétaire d’État Sophie Cluzel s’est prononcée en faveur de l’abrogation de l’article 5 du code électoral, qui prévoit que « le juge des tutelles a la capacité de suspendre le droit de vote aux personnes présentant une incapacité à voter du fait de leur handicap ». Elle s’est également exprimée en faveur d’un droit de vote inaliénable pour tous les citoyens.
Un rapport de l’Observatoire d’Handéo sur les pratiques de vote observées lors des élections de 2017 vient corroborer l’idée que l’accompagnement vers le droit de vote des personnes présentant un handicap cognitif, psychique et/ou mental est essentiel. Jusqu’à aujourd’hui, la question de l’accessibilité était posée en termes uniquement matériel et technique, Handéo souhaite privilégier un angle éthique pour améliorer le droit de vote des personnes handicapées.
Si les aides humaines sont sollicitées au domicile et de plus en plus à l’extérieur, elles ne sont pour autant que peu mobilisées dans la pratique du vote et présentent encore quelques écueils : manque d’information et de communication, professionnels peu formés à ce type de prestation plus « abstraite » et reste-à-charge financier.
Accompagnement intime
Le recours à une tierce personne pour voter est fréquent chez les personnes handicapées motrices ou visuelles à cause des difficultés d’accès jusqu’au bureau de vote, de compréhension des bulletins, des isoloirs non adaptés ou des urnes trop élevées. Au-delà de l’accompagnement technique, se joue également l’accompagnement vers une décision politique, personnelle, et la confidentialité du vote. Cet acte de l’ordre de l’intime implique une confiance totale envers l’accompagnant, c’est pourquoi ce rôle incombe souvent aux familles. Quant les personnes font appel à une aide professionnelle, les témoignages recueillis mettent en avant plusieurs appréhensions dans le choix de l’accompagnant et les conséquences sur la qualité de l’accompagnement en fonction du vote.
Une autre difficulté rencontrée concerne les assesseurs, souvent non sensibilisés au handicap, parfois peu tolérants et ayant des lacunes sur le droit électoral - l’étude précise toutefois que certains peuvent être une aide précieuse dans le déroulement du vote.
Et les personnes ayant une autonomie décisionnelle altérée ?
On entend par autonomie décisionnelle altérée une « capacité d’autodétermination qui ne permet pas toujours de faire des choix (ou seulement partiellement ou de manière aléatoire) au regard de l’appréhension de l’environnement ». Handéo précise que cette incapacité peut également toucher des personnes dites « valides », n’ayant pas de reconnaissance de déficiences, et représente un enjeu de société important.
La première difficulté vient de la non compréhension du système des partis politiques et des programmes, ensuite des débats ; les personnes interrogées disent pour une majorité avoir besoin d’être accompagnées surtout en amont du vote, une minorité exprime elle le tabou des discussions politiques qui peuvent compromettre des relations et a donc bien conscience du risque affectif que cela peut engendrer. Quand la dépendance est avant tout cognitive, mentale ou psychique, la relation à l’autre est très importante : risquer de la compromettre s’avère trop dangereux affectivement parlant. Dans le cas du handicap moteur, l’autre fait fonction de « prothèse », ici, l’autre est un prolongement de soi.
Leviers d’action
Certaines structures médico-sociales sont déjà très impliquées dans l’accessibilité des personnes à la pratique du vote : elles sensibilisent les personnes au contexte électoral en amont et les familles quant aux inscriptions sur les listes électorales, ainsi que sur les pratiques de vote (accompagnement) et aux résultats des élections (discussions).
Pour aller plus loin, il faudrait pouvoir proposer une éducation civique adaptée aux personnes handicapées depuis la naissance qui n’y ont pas eu accès.
Une coordination des acteurs pourrait permettre une organisation pour accompagner les personnes souhaitant voter alors que la structure dont ils dépendent est fermée le dimanche par exemple.
Un financement doit être envisagé pour ces périodes spéciales afin que les personnes handicapées puissent répondre à ce qui est également leur devoir de citoyen.
Une conception universelle
Enfin, une campagne, des programmes et des informations en langage accessible est une priorité ainsi que la formation des assesseurs pour que le déroulement du vote soit le plus serein possible et non stigmatisant. « En réinventant un système permettant de favoriser la participation citoyenne des personnes handicapées, c’est la participation de tous les citoyens qui est facilitée ». Selon Handéo, cette « conception universelle » permettrait de réinventer le système et de questionner également l’accès des personnes âgées dépendantes, des personnes ayant des difficultés de lecture de part leur milieu socio-culturel, des personnes ne comprenant pas les programmes, les débats ou les enjeux électoraux etc.