Handicap et délinquance : lever le voile sur une réalité méconnue

Impossible de connaître les chiffres concernant les mineurs pris en charge par le secteur médico-social et pénal, successivement ou simultanément, ni de saisir les caractéristiques et la double réalité de ces jeunes : la dernière étude sur la santé des jeunes de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) date de 2005. Elle faisait état de 7% d’enfants en situation de handicap psychique ou mental.
La Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE) a donc mené une étude auprès d’une centaine d’établissements de son réseau sur « les enfants et les adolescents à la croisée du handicap et de la délinquance ».

Délinquance ordinaire

Les jeunes sont souvent pris en charge d’abord par un établissement pénal puis orientés vers un service médico-social, en majorité en Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (ITEP). Par exemple, sur 9 ITEP, 18 enfants avaient fait l’objet de mesures pénales. Selon les structures, leur parcours pénal antérieur est rarement rapporté au moment de l’accueil du jeune.
Les types d’actes et de comportements délinquants des mineurs relevant du médico-social relèvent de la « délinquance juvénile ordinaire » (atteinte aux biens essentiellement).

Il existe une forte corrélation entre les troubles du comportement repérés chez les jeunes et le passage à l’acte, considéré par les équipes « comme un symptôme nécessitant une réponse éducative ou thérapeutique appropriée » (surtout dans les Institut médico-éducatifs). La saisine de l’autorité judiciaire n’est donc pas systématique, faisant alors l’objet d’une réponse en interne.

La protection de l’enfance en difficulté

Sur l’échantillon de 298 enfants accueillis dans le cadre pénal (pour les 20 établissements répondants), 52 présentent des troubles du comportement ou de la personnalité et 29 disposent d’une reconnaissance de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Ils sont majoritairement pris en charge dans des Centres éducatifs fermés (CEF). Les établissements constatent une augmentation importante des mineurs venus d’ITEP, IME et IMPro ces dernières années.

Côté protection de l’enfance, l’accompagnement des jeunes avec des troubles psychiatriques reste difficile et les structures médico-sociales peinent à gérer leurs passages à l’acte. Le manque d’articulation, les temporalités différentes ou la disparité des outils sont autant d’obstacles à un accompagnement adapté.

Pour une politique « multidimensionnelle et transversale »

La CNAPE recommande donc la mise en place d’un suivi statistique national et d’une étude longitudinale auprès des jeunes concernés par cette double problématique. Elle préconise également de décloisonner MDPH et PJJ, de réaliser des bilans de santé systématiques, y compris psychiatrique, à l’arrivée d’un jeune à l’Aide sociale à l’enfance ou la PJJ, de former ensemble les professionnels des deux secteurs et de mettre sur pied des équipes mobiles ressources en cas de difficultés sur les établissements.