Gaz poivre, refus d’eau et d’alimentation en terre d’asile

« C’est comme vivre en enfer » : l’intitulé du rapport de Human Rights Watch sur les abus policiers à Calais contre les migrants, publié le 26 juillet, est sans appel. L’organisation y dénonce notamment l’utilisation de gaz poivre sur des personnes, enfants ou adultes. Sur la base d’entretiens menés avec plus de 60 personnes exilées à Calais et ses environs, Human Rigths Watch relève l’utilisation de ce gaz particulièrement irritant sur des personnes endormies, de la nourriture ou l’eau distribuée.

L’objectif, selon l’ONG : chasser les personnes, perturber l’aide humanitaire et harceler ceux qui la délivrent. « Une telle conduite de la part de la police dans et autour de Calais constitue un abus de pouvoir, violant l’interdiction des peines ou traitements inhumains et dégradants, ainsi qu’une atteinte aux droits des migrants à avoir accès à l’eau et à la nourriture », souligne le rapport. En mars 2017, les autorités locales avaient interdit les distributions alimentaires mais l’arrêté avait été retoqué par la justice. Depuis le mois de juin, elles concèdent une distribution par jour, sous surveillance et pendant maximum deux heures, dans une zone industrielle à l’écart de la ville. Toute autre distribution pour les 500 personnes exilées revenues à Calais est sévèrement réprimée.

Sortir de l’approche sécuritaire

Ce rapport arrive alors que 275 associations et collectifs de solidarité annoncent l’organisation d’une conférence nationale citoyenne sur l’accueil et les droits des personnes migrantes en France. Cette conférence, qui devrait se tenir fin 2017, aura pour objectif « de montrer qu’il est possible d’accueillir dignement et autrement les migrants dans notre pays », affirment-ils. Une proposition qui s’inscrit dans la suite de « l’appel à un changement radical de politique migratoire en France », porté par 470 organisations et adressé au président et au gouvernement. Ces associations regrettent que le « plan migrants » présenté le 12 juillet par le gouvernement « n’est en rien le fruit d’une concertation » et ne « rompt avec aucune des précédentes politiques migratoires, mais nous enferme davantage dans une approche sécuritaire ».

« Je ne veux plus personne dans les rues, dans les bois », a affirmé le Président, Emmanuel Macron le 27 juillet. La création d’hébergement d’urgence et la réduction des délais de traitement font partie de la solution mais surtout, le Président veut poursuivre la délocalisation du traitement des demandes d’asile en créant des hotspots, notamment en Libye. Au même moment, le gouvernement italien annonçait vouloir déployer des navires de la marine italienne dans les eaux territoriales libyennes. « Un blocus par la Marine italienne dans les eaux libyennes combiné à des centres de traitement des demandes sur le territoire libyen pourrait exposer les migrants et les demandeurs d’asile à des abus encore plus graves. Compte tenu du traitement horrible des migrants en Libye, il est difficile d’imaginer comment un gouvernement européen, quel qu’il soit, pourrait y débarquer qui que ce soit ou remettre des personnes entre les mains des autorités libyennes, tout en protégeant leurs droits », alerte l’ONG Human Rights Watch.

Violations des droits

Plan migrant ou discours du Président, rien ne semble répondre aux situations à Calais ou à la frontière italienne. Le 26 juillet, près d’une dizaine d’associations, dont Médecins du Monde, la Cimade, le Secours catholique appelaient le gouvernement à mettre un terme immédiat aux pratiques illégales et aux violations des droits des personnes à la frontière franco-italienne, dénonçant les renvois illégaux, de demandeurs d’asile et de mineurs isolés, vers l’Italie. Ils exigent l’arrêt « des actions entreprises qui visent à intimider et entraver l’action des citoyens et des associations qui aident les migrants et réfugiés ». Le 26 juillet, Cedric Herrou, cet agriculteur de la vallée de la Roya qui vient en aide aux personnes exilées, a de nouveau été mis en examen pour la sixième fois pour aide au séjour d’étrangers en situation irrégulière. Il avait accompagné 156 personnes, en majorité venant du Soudan, afin qu’elles déposent une demande d’asile à Nice.