N° 907 | Le 27 novembre 2008 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Faut-il être plus sévère avec nos enfants ?

Edwige Antier & Aldo Naouri


éd. Mordicus, 2008 (94 p. ; 9,50 €) | Commander ce livre

Thème : Autorité

Il est des livres qui font gagner beaucoup de temps. Celui-ci en fait partie. Il permet de mesurer l’intérêt qu’il y a à lire les 14 autres écrits de ces deux pédiatres médiatiques, devenus des références pour nombre de parents. C’est vrai qu’ils visent parfois juste. Mais, d’autres affirmations sont pour le moins péremptoires.

Edwige Antier nous explique ainsi : « Le nourrisson, le bébé, puis l’enfant jusqu’à trois ans, doit être le roi » Jusqu’à cet âge, il ne fait jamais de caprices, continue-t-elle… il ne fait qu’exprimer « des besoins auxquels nous sommes tenus de répondre » (p.16). C’est au contraire celui qui n’a pas été roi qui va devenir tyran ensuite (sic !). « C’est sadique de vouloir frustrer un enfant […] Un enfant frustré présente des risques de délinquance par la suite » (p.35). Sans commentaire… « Un enfant de moins de trois ans n’est absolument pas programmé pour dormir tout seul » (p.39). Ayant sûrement découvert les gènes qui le démontrent, Edwige Antier conseille aux parents de dormir avec leur bébé. Comme elle a pensé à tout, elle leur concède de pouvoir se rendre dans une autre pièce de la maison, s’ils veulent avoir une vie intime, tout en rejoignant « leur enfant au matin ».

Quant à Aldo Naouri, il est tout aussi impérieux : « Si un parent prend une décision sans hésitation, l’enfant le suit », affirme-t-il. Si celui-ci n’obéit pas, c’est tout simplement que l’adulte ne s’est pas montré sûr de lui. Ben voyons ! Reprenant les vieilles lunes lacaniennes, il fournit un précieux conseil aux pères : « Le meilleur moyen d’être père de son enfant est d’être apprécié par la mère de cet enfant, autrement dit d’être son amant » (p.64). Mais aussi, « à l’intérieur de la psyché de l’enfant, toute autorité se révèle perçue comme d’essence paternelle » (p.67). « S’occuper d’un enfant, c’est épuisant et qu’il n’y a que les femmes pour le faire » (p.66).

Encore, si nos deux pédiatres défendaient un point de vue, cela irait : rien de plus respectable qu’une opinion. Mais non, tout cela est affirmé de manière tellement dogmatique et définitive qu’on a le sentiment qu’ils seraient les porte-paroles d’une révélation reçue d’on ne sait quelle instance suprême de l’éducation. Certes, Edwige Antier a quelque pudeur : « On ne peut espérer leur [les parents] donner un mode d’emploi », commence-t-elle par affirmer, avant de s’empresser de le faire tout le temps. Aldo Naouri, lui au moins, n’a pas cette coquetterie. Son objectif ? « Déniaiser mon lectorat » (p.85). Ses compétences ? « Moi, je sais ce qu’est le psychisme de l’enfant » (p.60), « j’insiste sur le fait qu’il s’agit-là d’une vérité qui se constate en clinique sur cent pour cent des bébés » (p.70), affirme-t-il, sans ciller.

Il faut toujours se méfier des spécialistes qui profitent du désarroi des parents pour leur vendre leurs certitudes.


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