Enfants confiés à l’ASE : un état des lieux
Instaurées en 2014, des commissions pluridisciplinaires et pluri-institutionnelles examinent les situations d’enfants confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), pour qui il existe un risque de délaissement parental et/ou d’inadaptation du statut, en élaborant pour eux un projet de vie « sans perte de temps ». La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant a entériné ces instances de veilles et d’orientation ; elles se réunissent tous les six mois et formulent un avis remis au Conseil Départemental et au juge quand celui ci est saisi.
À la demande de nombreux départements, l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) et l’Agence française de l’adoption (AFA) ont travaillé à un recensement de ces commissions sur le territoire et livrent un état des lieux des dispositifs et des pratiques nationales.
Mise en place des commissions
Sur les 79 collectivités territoriales ayant répondu à l’enquête, une étude comparative est dressée entre les commissions préexistantes à la loi de 2016 et celles qui ont vu le jour après la loi afin d’en distinguer les évolutions et de dresser un bilan avec davantage de recul pour les commissions les plus anciennes. 28 départements avaient mis en place le dispositif avant 2016 et le font perdurer ; 34 départements sont en cours de mise en place de ce dispositif ; 17 n’ont pas de projets de commissions. La majorité des dispositifs privilégie la commission unique et s’est dotée d’un règlement intérieur ou prévoit de le faire. La moitié des départements possède un support d’aide à l’évaluation (grilles de repérages par exemple) ou une démarche de formation (journées thématiques), voire les deux.
État des lieux des pratiques
La loi de 2016 a clairement précisé la composition des commissions. Si les services de l’ASE et de l’adoption y sont représentés de manière constante, les magistrats, la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) ou les associations départementales d’entraide des personnes accueillies en protection de l’enfance (ADEPAPE) y font leur entrée et les cadres éducatifs, médecins ou personnels paramédicaux y sont en nette augmentation. La présence du service accompagnant l’enfant et du référent éducatif au quotidien est validée par la majorité des commissions, et en augmentation depuis 2016. L’association de la famille ou d’un tiers digne de confiance reste en questionnement.
Aux deux motifs de saisines des commissions - risque de délaissement et inadaptation du statut - les départements sont favorables à la création d’un troisième motif concernant les enfants de moins de deux ans. Sachant que les saisines sont effectuées en quasi totalité par les départements eux mêmes ou par les professionnels impliqués dans l’accompagnement de l’enfant. Les commissions en place avant 2016 ont déclaré avoir examiné de 0 à 100 situations sur l’année 2016. Les professionnels notent une réelle augmentation des délégations ou retraits d’autorité parentale, des admissions comme pupilles de l’État et des tutelles. Ils regrettent le fait que, pour des enfants ayant eu un long parcours au sein de l’ASE, un changement de statut et de prise en charge n’ai pas pu être envisagé auparavant.
À la recherche d’efficience du dispositif
Pour les dispositifs créés avant 2016, les départements constatent qu’ils sont aujourd’hui bien acceptés et opérationnels et qu’une sensibilisation et une formation sont au préalable nécessaires auprès des professionnels concernés. Des résistances peuvent encore freiner la mise en place de commissions, mais aussi des difficultés d’organisation et la méconnaissance de ces dispositifs. Les conseils départementaux ont alors envisagé plusieurs réponses : la création de membres permanents et suppléants pour que toutes les professions soient représentées ; un rapprochement avec les institutions manquantes ; la possibilité de faire appel à des professionnels retraités ; la création d’une commission principale et de sous-commissions.
Au-delà des questions pratiques, ce sont des fondamentaux de la protection de l’enfance qui sont questionnés par la mise en place de ces commissions. Les notions de besoins, de statuts et de délaissement sont à clarifier et les professionnels de terrain doivent être formés pour une prise en charge plus homogène sur le territoire et une saisine adaptée des commissions. De même, la culture professionnelle qui favorise le maintien des liens familiaux et le soutien des fonctions parentales est remise en cause au regard de l’instabilité du parcours des enfants confiés à l’ASE.