N° 1304 | Le 2 novembre 2021 | Critiques de livres (accès libre)

Enfant mal placé

Hakan Marty


Éd. Max Milo, 2020, (283 p. - 19,90 €) | Commander ce livre

Thèmes : Placement familial, Protection de l’enfance

Du pire et du meilleur

Et si la protection de l’enfance relevait d’une complexité bien plus contrastée que certaines représentations caricaturales médiatiques nous laissent entrevoir ? Le récit de vie d’Hakan Marty en est une illustration édifiante. Issu d’une famille où les enfants sont placés depuis trois générations, il nous décrit sa mère comme une adulte inconstante, dealeuse, prostituée et droguée qui eut la lucidité de le déposer dans la pouponnière où elle avait elle-même commencé sa vie. Sans n’avoir jamais réussi à assumer son rôle, elle décèdera alors qu’il a 8 ans. Et pourtant, il voue un amour inconditionnel à son parent disparu. Hakan va vivre toute son enfance une maltraitance permanente dans une famille d’accueil qui soumet les garçons qui lui sont confiés à une pluie de coups de poing et de paires de claques, à des flots d’insultes et de railleries. Sous emprise et dans la recherche constante de l’amour improbable de sa tortionnaire, il ne révélera jamais ce qu’il vit à l’Aide sociale à l’enfance qui pourtant enquête sur des suspicions de violence. Ce vécu ne peut être généralisé à l’ensemble de la protection de l’enfance. Quand Hakan est admis dans un foyer d’adolescents, il y découvre les petits bonheurs de la vie quotidienne qu’il ne s’était pas imaginé pouvoir connaître. Il y rencontre des éducateurs investis et dynamiques qui vont beaucoup l’aider. Ce qu’il ne retrouvera pas au cours de son parcours professionnel d’éducateur spécialisé qu’il a choisi de suivre : il sera témoin d’insupportables maltraitances dans des institutions où il effectue ses stages. L’auteur occupe aujourd’hui un poste en protection de l’enfance. Un livre incontournable pour mieux comprendre certaines des violences que peuvent vivre les enfants placés, mais aussi certains des atouts qui leur permettent de grandir et de s’en sortir.

Jacques Trémintin


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