En Seine-Maritime, mobilisation pour l’accompagnement des jeunes majeurs

Le conseil départemental de Seine-Maritime affirme sa volonté de restreindre les mesures d’accompagnement d’accueil provisoire jeunes majeurs (APJM). Les adolescents dépendants de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) seraient donc livrés à eux-mêmes dès l’âge de 18 ans et quatre mois, alors que ce dispositif offre la possibilité de prolonger le suivi jusqu’à 21 ans. Groupement de citoyen·nes indigné·es, le collectif APJM 76 demande la révision de cette décision et en appelle à Édouard Philippe par le biais de la pétition intitulée Maintenons un accompagnement éducatif adapté pour les jeunes majeurs issus de l’ASE.

Difficile transition vers l’âge adulte

Leur texte se réfère au rapport publié en 2009 par l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED), Entrer dans l’âge adulte : la préparation et l’accompagnement des jeunes en fin de mesure de protection. L’organisme d’intérêt public était déjà interpellé « par le fait qu’il est demandé aux jeunes sortants des dispositifs de protection de l’enfance, plus vulnérables et disposant de moins de ressources, de faire plus et plus vite que la population générale dans l’accès à l’autonomie ».

Tenir compte de la réalité

« Cette décision date de plus de cinq ans, nous avons fait en sorte de la rappeler pour que soit travaillée en amont l’orientation vers le droit commun, relativise Geneviève Beridot, sous-directrice de l’ASE de la Seine Maritime. Il faut savoir faire sortir les jeunes de l’ASE, faire confiance à d’autres dispositifs comme les services sociaux de secteur, les missions locales, il y a tout un éventail de possibles vers lesquels il faut apprendre à faire le relais. » Le collectif APJM 76 rétorque que cette directive prévoyant le recours au droit commun « ne tient pas compte de la réalité des délais nécessaires pour accéder à un logement social ou un hébergement en CHRS, obtenir une mesure de tutelle, une notification de la Maison départementale de la personne handicapée, trouver une formation ou un emploi ».

Le risque du sans-abrisme

Signataire de la pétition (ils étaient 1 305 le 17 mai), une éducatrice spécialisée auprès de mineurs placés en famille d’accueil témoigne que « le travail d’accompagnement pour leur majorité est déjà un vrai casse-tête. L’accompagnement à la vie d’adulte prend du temps : études, travail, garantie pour le logement, autonomie financière. Rappelez-vous de vos 18 ans, sans l’aide de vos familles où en seriez-vous ? » Un autre éducateur spécialisé, depuis 40 ans, résume ainsi les raisons de sa signature : « je ne supporterai pas de voir les jeunes que nous avons accompagnés devenir SDF. »

Au département, le danger d’augmenter le nombre d’anciens de l’ASE parmi les personnes sans-abri n’est pas jugé alarmant. Arguant qu’il doit faire face à l’accueil des mineurs non accompagnés et mettre en place de nouveaux dispositifs, il reconnaît du bout des lèvres que c’est une mesure d’économie. La sous-directrice de l’ASE soutient surtout que l’entretien du 17e anniversaire « est un excellent outil pour préparer la sortie de l’ASE ».

Des dispositifs jeunesse fragiles

« On met trop souvent l’accent sur les dysfonctionnements de l’ASE, alors qu’il y a de nombreuses belles réussites, souligne Geneviève Beribot. Actuellement nous avons environ 250 APJM, parfois depuis bien plus que quatre mois. Nous avons aussi des refus de suivi après la majorité, parce qu’ils en ont assez, parce que c’est stigmatisant. Au vu de leur parcours de vie difficile, certains s’en sortiront, d’autres moins. De notre côté, on essaie de faire au mieux avec beaucoup de recul. » Si l’ASE se désengage auprès des jeunes majeurs, il faudra renforcer les dispositifs jeunesse de l’État ou de la Région… déjà saturés.