N° 626 | Le 20 juin 2002 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Échangeons nos savoirs

Claire Héber-Suffrin


éd. Syros, 2001, (192 p. ; 15 €) | Commander ce livre

Thème : Connaissance

Quand on parle d’une innovation aussi créatrice que les réseaux d’échanges réciproques de savoirs (RERS), mieux vaut s’adresser au bon Dieu qu’à ses Saints. Et là, nous disposons d’une référence de qualité : la fondatrice de ce mouvement qui rappelle très clairement que le concept qui a essaimé depuis une trentaine d’années ne possède pas de modèle, car qui dit modèle implique un objet à reproduire tel quel selon des règles précises.

Or, il n’y a dans les RERS aucun catalogue de solutions toutes faites, mais un certain nombre de références dont on peut s’inspirer pour créer sa propre démarche. Et ces références peuvent être déclinées à partir de l’intitulé lui-même. Ce sont d’abord des réseaux. Ceux-ci sont transversaux car ils sont au croisement d’intérêts différents et horizontaux car paritaires et non hiérarchisés. Ce n’est pas là un regroupement d’amis, mais des personnes qui s’engagent dans une action commune basée sur un respect mutuel. De nombreuses études démontrent que l’équilibre de tout individu est directement relié à l’importance et l’hétérogénéité des réseaux dans lesquels il est impliqué.

C’est ensuite l’échange : les RERS ne constituent pas un rouage de l’économie marchande, mais un système de don. Depuis que l’homme est homme nous nous sommes rendu service, les uns les autres, sans que ces services n’entraînent forcément une transaction financière. Ensuite, vient la réciprocité : le souci principal est bien l’autre. Or, reconnaître l’autre comme différent, c’est accepter de relativiser son propre système de valeurs, c’est admettre qu’il puisse y avoir d’autres motivations, d’autres références que la sienne. Enfin vient le savoir : issues d’un processus jamais terminé et qui ne peuvent se résumer à des objets stockés, les connaissances, on les possède en propre mais elles sont aussi le fruit de l’héritage de centaines de générations. La posture requise ici, n’exclut pas l’ignorance, mais tout au contraire, l’installe et l’autorise comme facteur de stimulation : « Que l’on me donne une erreur féconde, pleine de graines, prête à éclater sous l’effet de ses propres corrections.

Vous pouvez garder pour vous, votre stérile vérité » (Vilfrédo Paréto cité p.72). On est là dans une approche qui place l’individu non seulement comme acteur, mais aussi comme auteur de son processus d’apprentissage. « La cléricature des détenteurs patentés de savoirs est remise en cause par un système dans lequel chacun sait quelque chose et peut le transmettre » (p.155) Formidable outil de lien social, les RERS cultivent l’ambition d’agir comme médiateur social et offrent l’opportunité de se rencontrer tout en se signifiant différent, de s’apprivoiser mutuellement, de construire des lieux de négociation : proclamer la dignité de tous, affirmer une éthique du vivre ensemble et la mettre en actes dans un système souple d’organisation sociale.


Dans le même numéro

Critiques de livres

Sous la direction de Claire Héber-Suffrin

Partager les savoirs, construire le lien