Cinéma : « 12 jours » , troisième volet du triptyque de Raymond Depardon

Avec San Clemente (1982) et Urgences (1987), le documentariste de Raymond Depardon clôt un triptyque sur l’univers de l’hôpital psychiatrique, en salle le 29 novembre. Depuis septembre 2013, la loi préconise pour tout patient hospitalisé sans son consentement une présentation à un juge des libertés et de la détention avant douze jours, puis tous les six mois. Le juge, qui doit décider de la reconduite ou non de l’hospitalisation en s’appuyant sur les écrits des psychiatres, est simplement le garant de la régularité de la procédure.

Trois caméras

Le centre hospitalier Le Vinatier, à Lyon, a accepté de laisser filmer lors de ces courtes audiences (d’une durée de quinze minutes environ) les trois caméras immobiles de Depardon. Une sur le juge, une sur le patient et son avocat, une pour le plan d’ensemble. Ce dispositif minimaliste permet de saisir sur le vif ces instants suspendus, entre patients apaisés d’être écoutés et juges parfois incrédules face aux propos incohérents et souffrances intimes. Sur les soixante-douze patients filmés, le réalisateur a gardé dix portraits.

Humanité

Du burn-out au meurtre, les maux des patients sont filmés avec une immense bienveillance, et toutes les fragilités du monde semblent se croiser dans cette petite salle impersonnelle. Une femme exprime toute la violence de la contention, ce moment où elle est « déshabillée pour ensuite mettre une blouse en papier ». Une autre patiente souhaite « rentrer chez elle pour mourir ». « Le docteur peut pas tout faire, y’a moi aussi qui peut faire » assure cet autre patient.

Empathiques, parfois décontenancés, les juges écoutent, rassurent comme ils peuvent. Cette femme que son employeur a amenée, car elle craquait complètement. Cette jeune fille qui ne voit plus sa fille qu’en visite médiatisée. Cet homme qui a donné plusieurs coups de couteaux, mais qui va mieux, longtemps après. « J’ai la folie d’un être humain » résume un jeune homme de vingt ans. Grâce à ce documentaire poignant, ces hommes et femmes révèlent, au-delà de leurs failles, toute l’humanité qui est la leur.