Bidonvilles • Une population mise au ban

« Ils viennent le matin à 7 heures et nous disent : vous avez dix minutes puis vous sortez », témoigne Paris Radu. « J’ai pris deux - trois affaires avant que nos baraques soient cassées par des bulldozers ». Un scénario répété tellement de fois que ce Roumain, installé en France depuis 10 ans, père de deux enfants, ne se souvient plus du nombre d’expulsions subies. Le collectif national droit de l’homme, Romeurope, dans son dernier rapport national d’observation pour 2014, intitulé Le droit et les faits , détaille les atteintes fondamentales faites aux enfants qui vivent dans les bidonvilles, atteinte dans leur accès à des conditions de vie dignes, à la scolarisation, aux soins... « Pas un seul enfant vivant en bidonville n’a pas connu au moins une expulsion », souligne Guillaume Lardanchet, président de Romeurope et directeur de Hors la rue qui s’inquiète de « l’impact à long terme » de cette politique du « bannissement ».
Une politique qui coûte très cher : le collectif chiffre entre 30 et 40 millions d’euros les sommes dépensées pour expulser et détruire les bidonvilles. « Est-ce que cet argent là, de l’argent public, ne pourrait pas être utilisé autrement, en particulier pour financer des processus d’intégration, d’accompagnement qui aujourd’hui n’existent pas ? », questionne François Loret, membre du collectif Romeurope du Val Maubuée. Si 2014 comptabilise un peu moins d’expulsions que 2013, reste qu’en moyenne trois lieux de vie ont été détruits par semaine… Au total, plus de 13 000 personnes ont subi ces destructions, une politique qui s’est accélérée en 2015 : 8 334 personnes ont été chassées de leurs lieux de vie depuis le début de l’année, dont 4 277 personnes pour les seuls mois de juillet et aout 2015. Une politique qui ne mène nulle part, dénonce Romeurope, si ce n’est à empêcher toute construction d’une réponse publique cohérente pour, réellement, faire disparaître ces symptômes de misère extrême que sont les bidonvilles. « Nous demandons la stabilisation des personnes et la sécurisation des lieux de vie, car aucune politique publique ne peut être construite sur les expulsions systématiques », insiste la déléguée générale de Romeurope, Manon Fillonneau. Par sécurisation, le collectif entend, l’accès à l’eau, l’électricité, mais aussi la sécurisation liée au trafic routier. « Stabilisons les personnes dans des lieux de vie, appuie François Loret, pour permettre un temps de transition suffisant, l’accompagnement social nécessaire, pour que les familles aient la possibilité de sortir d’une situation catastrophique par le haut, par l’accès au travail, la scolarisation des enfants, l’accès aux soins et l’accès au logement ». Pour l’heure, les politiques publiques restent muettes. La circulaire d’août 2012 qui prévoyait une réflexion et des solutions en amont des expulsions est rarement ou mal appliquée. Les arrêtés municipaux se multiplient, passant outre les processus juridiques qui imposent un cadre légal et des droits à respecter. La mission Adoma de résorption des bidonvilles, lancée en 2014, ne concerne à ce jour que 63 ménages relogés dont 16 en Ile-de-France. Des « mesurettes » dénonce Romeurope « uniquement destinées à certaines personnes sélectionnées sur des critères opaques et contestables ».

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