N° 1336 | Le 28 mars 2023 | Par Joackim Ben-Yahia, étudiant en Master 2, APSH 34 | Échos du terrain (accès libre)

Accompagner et remobiliser les personnes éloignées de l’emploi et de la formation

Thèmes : Entreprise d’insertion, Insertion, Prévention spécialisée

Pour soutenir la réussite des personnes éloignées de l’emploi et de la formation, il est nécessaire de mettre en place des modalités d’accompagnement adaptées à chaque situation. Afin de remobiliser ces personnes, un dispositif innovant préconise d’activer les leviers organisationnels et individuels de l’employabilité.

L’orientation professionnelle a évolué d’une fonction de diagnostic-prescription pris en charge par un conseiller-expert, à une fonction d’accompagnement dans le conseil professionnel (1). L’individu est alors au centre du processus d’orientation professionnelle et est considéré dans son ensemble : ses aptitudes, ses émotions, ses intérêts, ses valeurs, ses motivations et ses interactions avec son environnement sont pris en compte. Le concept d’employabilité se développe ainsi pour exprimer la capacité à acquérir et à maintenir les compétences nécessaires pour trouver un emploi et à le conserver (2). Selon la perspective écosystémique, l’employabilité découle de l’interaction évolutive entre l’individu, les stratégies organisationnelles et les politiques gouvernementales (3). Toutefois, qu’en est-il de l’employabilité des personnes en situation de handicap ? La loi du 11 février 2005 a apporté une nouvelle définition du handicap : ce n’est plus la personne qui est considérée comme handicapée, mais les circonstances dans lesquelles elle se trouve qui créent le handicap. L’objectif est alors de développer une vision holistique et systémique de l’accompagnement. Or, les interventions proposées par les services publics de l’emploi sont généralement axées sur l’individu et ne prennent pas suffisamment en compte l’ensemble des acteurs impliqués dans le processus d’insertion (i.e. les bénéficiaires, les prestataires et les commanditaires).
En réponse à ce constat, de nombreux projets visant à améliorer la synergie entre les services publics de l’emploi et les employeurs ont été mis en place. Parmi eux, le dispositif Club Motiv’Action a été retenu dans le cadre du Plan d’Investissement dans les Compétences (PIC) «  100  % d’inclusion  ». Le dispositif est piloté par l’APSH34 (Association pour Personnes en Situation de Handicap de l’Hérault) et s’adresse aux personnes touchées par un problème de santé limitant, quelle que soit leur situation médicale (70  % des bénéficiaires, appelés «  adhérents  », présentent une problématique d’ordre psychique, cognitif ou mental), sociale (33  % des adhérents résident en Quartier Prioritaire de la Ville et Zone de Revitalisation Rurale), professionnelle (60  % des adhérents n’ont jamais été actifs ou sont inactifs depuis plus de 2 ans) et administrative (30  % des adhérents présentent des troubles de santé limitants non reconnus administrativement).
Dans le respect des principes de la loi de 2005 en matière de solidarité, d’équité, de compensation et d’accessibilité, le dispositif adopte une démarche proactive à la fois au niveau individuel et organisationnel. Au niveau individuel, le dispositif accompagne les adhérents de manière globale en prenant en compte l’ensemble de leurs caractéristiques. Cela permet aux personnes concernées de réaliser une mise en activité qui correspond au mieux à leurs compétences et à leur profil. Cela rejoint la philosophie de la méthode IPS (Individual Placement and Support) (4) qui prend le contre-pied des schémas traditionnels dans le champ du soutien à l’emploi et de l’insertion en milieu ordinaire. En effet, au lieu de privilégier la progressivité et le réentrainement avant l’insertion professionnelle («  former puis placer  »), il s’agit de favoriser une mise en activité rapide - sans phase préparatoire - et d’assurer un accompagnement dans la durée («  placer puis former  »). Ainsi, l’accompagnement proposé par le Club Motiv’Action vise à concilier les aspirations personnelles et professionnelles des bénéficiaires. Des conseillers (appelés «  motivateurs  ») travaillent en étroite collaboration et de manière intensive avec les adhérents, les employeurs et les partenaires, afin de permettre un accès direct à l’activité (formation, emploi, stages, enquête métier…). Une fois l’adhérent en activité, les motivateurs restent disponibles pour agir auprès de lui et/ou de l’employeur si nécessaire. Au niveau organisationnel, l’objectif est de constituer un réseau coordonné avec des entreprises et des partenaires locaux. Ce réseau a pour but de sensibiliser ces organismes aux besoins des bénéficiaires et de les inciter à y répondre. En ce sens, le Club Motiv’Action propose une approche méthodologique de cartographie des interventions (ou «  intervention mapping  ») (5). La logique est celle de l’implication de l’ensemble des acteurs depuis le diagnostic du problème jusqu’à la construction, l’implémentation et l’évaluation de l’intervention. Afin d’intégrer la complexité des enjeux à chaque étape, différents comités sont constitués : un comité stratégique composé d’un panel représentatif des parties prenantes ; un comité de recherche qui a pour objectif de modéliser les déterminants sur lesquels agir et un comité des adhérents sollicité en tant que participant-témoin pour faire évoluer le dispositif grâce aux retours d’expériences. Dès lors, les itérations entre acteurs permettent à la fois d’engager les parties prenantes et d’affiner l’intervention en vue de répondre au besoin des adhérents.

Lever les obstacles

En proposant des leviers pour agir sur les freins à la fois organisationnels et individuels, le dispositif permet de sortir des modèles séquentiels de l’insertion professionnelle. Comme nous l’avons vu, la logique poursuivie au sein du Club Motiv’Action est celle du retour rapide à l’activité, en vue d’un rétablissement socioprofessionnel, c’est-à-dire de mettre chaque adhérent en action le plus vite possible tout en traitant ses problèmes médico-sociaux en parallèle. Toutefois, l’engagement d’un individu dans une activité professionnelle est étroitement lié à son sentiment d’efficacité personnelle, c’est-à-dire ses attentes en termes de résultats et sa conviction qu’il peut réussir la tâche (6). Pour renforcer ce sentiment d’efficacité personnelle, il est important de fournir un environnement propice à l’atteinte des objectifs. Il peut également être renforcé en observant les expériences positives d’autres personnes. Cela permet d’anticiper les actions et les procédures nécessaires pour accomplir une tâche. Renforcer le sentiment d’efficacité personnelle permet de guider les comportements de l’individu et d’agir sur ses préférences, ses ambitions ou encore sur sa volonté à réussir une action et à se dépasser. En ce sens, le Club Motiv’Action est un tremplin vers l’inclusion, permettant de surcroit de faire évoluer les représentations de la personne vis-à-vis d’elle-même et du monde professionnel. À ce jour, 546 adhérents se sont inscrits au Club Motiv’Action et la moitié d’entre eux ont réalisé une activité dans les 60 premiers jours. Le changement est donc possible et s’opère au sein d’un système en constante évolution. Dans ce contexte, il est nécessaire d’anticiper et de guider ces évolutions, et ce, dans l’intérêt du public, mais également dans celui des parties prenantes ayant pour vocation de les accompagner à pouvoir agir.


(1) Olry-Louis, Guillon, & Loarer, 2013 - tinyurl.com/y5vunpek (2) Hofaidhllaoui, & Peretti, 2013 - tinyurl.com/4nxpwkzk (3) Guilbert et al., 2016 - tinyurl.com/2z36f45e (4) Drake, Bond & Becker 2012 - tinyurl.com/4kjbwbh6 (5) Fernandez et al., 2019 - tinyurl.com/2p9w92cn (6) Bandura, 2019 - tinyurl.com/6x9h77f8