À Marseille, une mobilisation inédite des mineurs isolés étrangers

La semaine dernière, Marseille a été le théâtre d’une victoire sans précédent pour les mineurs isolés étrangers : l’ouverture d’un foyer d’urgence de soixante-cinq places grâce à la mobilisation d’une soixantaine de jeunes et de leurs nombreux soutiens. Le département a fini par céder face à une bataille qui n’a pas lésiné sur les symboles.

Mardi 21 novembre à 15h, une quarantaine de jeunes garçons s’installent dans l’église Saint-Ferréol situé sur le Vieux Port. Des accompagnateurs du Collectif soutien migrants 13, du Réseau éducation sans frontières (RESF) et de la Cimade expliquent leur situation aux prêtres. Ils sont livrés à eux-mêmes et dorment à la rue : trente d’entre eux ont pourtant une ordonnance de placement provisoire (OPP) censée s’appliquer dans les 48h. Certains attendent depuis des semaines, voire des mois. Face à l’urgence d’une mise à l’abri, les prêtres, en concertation avec l’archevêque, acceptent d’héberger les jeunes pour une nuit.

« Nous ne sommes pas du bétail »

La presse couvre immédiatement l’évènement. « En terme de coup médiatique, c’est du pain bénit, s’amuse le lendemain matin l’un des prêtres. Maintenant, les autorités doivent prendre le relais. Ici, il n’y a qu’un WC et un point d’eau, nous ne pouvons pas les laisser s’installer dans ces conditions ». Sous la pression, et dans l’attente d’une réponse du Conseil départemental, l’église finit par accorder son hospitalité jusqu’au samedi.

Le service « mineurs isolés » de l’Addap13 propose alors un hébergement entre 19h et 8h. Refus des mineurs non accompagnés : « Nous ne sommes pas du bétail qu’on rentre à l’étable le soir et qu’on laisse en pâture la journée. Nous voulons un foyer, un accès à l’éducation et à la santé avec des éducateurs pour nous accompagner. »

Une ambiance « Nuit debout »

Ponctué par des réunions et des prises de paroles, le quotidien s’organise : préparation des repas, départs pour la douche, vestiaire, ménage… L’église devient le rendez-vous des militants et des personnes touchées par le sort de ces mineurs, qui refusent toute distinction entre ceux qui ont l’OPP et les autres, répètent qu’ils veulent étudier, apprendre un métier et se rendre utile au pays qui les accueillent. L’ambiance tourne Nuit debout, ou plutôt « MIE debout ».

Jeudi matin, alors que des fidèles se plaignent de ne plus pouvoir prier en paix, les prêtres demandent une délocalisation du mouvement dans une église mieux adaptée mais excentrée. Après concertation, les jeunes refusent, craignant pour la visibilité de leur mouvement. Le ton monte, l’évêché menace et pose un ultimatum à 15 heures. La rumeur d’une évacuation par les CRS court.

Un quart d’heure avant l’échéance, les prêtres annoncent que les jeunes peuvent rester... La tension est palpable quand l’Addap13 fait une nouvelle proposition : un foyer d’urgence de 65 places ouvert tous les jours et 24h sur 24. L’avancée est conséquente : le service mineurs isolés ne disposait jusqu’ici que de 21 places. Les jeunes hommes acceptent mais refusent de partir de nuit, en catimini. Rendez-vous est pris pour le lendemain matin.

Tensions entre militants et travailleurs sociaux

Vendredi matin, le déménagement s’opère en cortège jusqu’à l’établissement situé à un quart d’heure de l’église. L’ambiance est tendue entre les militants et l’équipe de travailleurs sociaux. Les militants reprochent à l’Addap13 de jouer le jeu du département qui laisse à la rue des mineurs non accompagnés - ils seraient 400 dans les Bouches-du-Rhône. « Je vous remercie même si nous n’avons pas toujours eu les mêmes priorités, déclare David Le Monnier, directeur du service des mineurs isolés de l’Addap13. Je sais que c’est difficile de vous demander d’avoir confiance en nous, mais des rendez-vous sont pris et nous allons continuer à travailler ensemble. Maintenant, nous allons nous concentrer sur la situation des jeunes ».

Malgré cette victoire, la vigilance reste de mise. « En cas de besoin, nous avons les numéros de nos soutiens et des journalistes » signalent les adolescents.