N° 1239 | Le 13 novembre 2018 | par Valérie Lachaud, femme et mère malentendante (avec Katia Rouff-Fiorenzi) | Espace du lecteur (accès libre)

En quête d’accessibilité

Thème : Handicapés

Je suis née malentendante de l’oreille gauche, sourde à 100 % de la droite. Depuis huit ans, mon taux d’audition à gauche est passé à 10 %. Un appareillage me permet de communiquer un peu grâce à la lecture labiale.

Les médias traitent peu du handicap sensoriel, pourtant nous rencontrons des difficultés qui rendent notre autonomie difficile. Trop d’institutions, d’associations, d’organismes ne proposent que le téléphone pour communiquer alors que nous ne pouvons pas l’utiliser. Prendre un rendez-vous ou poser une question m’oblige bien souvent à demander de l’aide ou à me déplacer. La possibilité systématique de s’inscrire en ligne pour des rendez-vous médicaux comme avec Doctolib nous permettrait d’être autonomes. Le centre de santé de ma ville propose ce service, tout comme certains organismes : la caisse d’allocations familiales (CAF), la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et l’Assurance maladie permettent d’échanger par mail avec un agent, mais tout cela n’est pas systématique. Les supports de prévention (violences faites aux femmes, toxicomanie, accident vasculaire cérébral (AVC), etc.) mettent le plus souvent à disposition un numéro d’appel gratuit, ce qui nous laisse de côté alors que nous pourrions communiquer par mail, SMS ou skype.

Côté soins, des progrès restent à faire : dans les services de radiologie, je dois retirer mes aides auditives, ce qui rend la communication difficile. Le dentiste porte un masque, je ne comprends pas ce qu’il me dit. En revanche, durant ma grossesse, j’ai bénéficié du suivi d’une sage-femme rattachée à la PMI qui m’a préparée à l’accouchement. Elle a été très patiente et soutenante. Lors de mon séjour à la maternité de Bergerac (Dordogne), l’équipe médicale a été très attentive, nous avons beaucoup discuté sur la prise en charge médicale de mamans porteuses de handicap, du manque de formation des professionnels de santé, etc. Avec les sages-femmes nous avons mis en place un système de lecture labiale, de signes, de codes lorsqu’elles portaient le masque, comme au moment de la péridurale. En salle d’accouchement, la sage-femme a été à mes petits soins en parlant lentement, en m’écrivant lorsque je ne comprenais pas. J’ai subi une césarienne en urgence et, bien entendu, on m’avait demandé de retirer mon aide auditive par crainte d’interférence avec les appareils. J’ai refusé d’être privée du premier cri de ma fille. L’anesthésiste, qui souhaitait aussi que je garde cette aide, a mis en place un protocole avec l’équipe médicale. Mais en salle opératoire tous portaient un masque, ce qui a rendu la lecture labiale impossible et provoqué un stress supplémentaire. La césarienne s’est cependant très bien passée avec un soutien formidable du personnel soignant, alors qu’il n’était pas évident pour eux de bien accueillir une future maman porteuse de handicap, faute de formation et de matériel adapté.

Enfin, le manque d’accessibilité nous pénalise dans notre vie sociale : les films sont rarement sous-titrés au cinéma, les réunions municipales ne proposent pas d’interprète en langue française des signes, etc. Il existe un réel manque d’information et de mobilisation sur les divers handicaps sensoriels, souvent non considérés comme tels et méconnus.

valerielachaud33@gmail.com