N° 1222 | Le 6 février 2018 | Critiques de livres (accès libre)

Injuriez-vous ! Du bon usage de l’insulte

Julienne Flory


éd. Les empêcheurs de tourner en rond/La Découverte, 2016, (143 p. – 13 €)

Les mots de la colère

Il existe un langage normalisé et standardisé seul légitime, excluant des gros mots punis par les adultes quand on est enfant et la justice quand on est majeur. Encore faut-il distinguer le registre de l’insulte de celui de l’injure ou du juron.

L’insulte est une vexation directe se référant à un lexique bien précis («  crétin  », «  idiot  », «  pédé  »). L’injure fonctionne par interprétation d’une énonciation indirecte («  nique ta mère  », «  fis de pute  »). Dans les deux cas, il s’agit de qualifier autrui d’un vocable peu valorisant stigmatisant son corps, ses origines ou le comparant à un animal. L’objectif recherché est bien de le vexer, de le blesser, de le choquer ou de l’humilier.

Quant au juron, il est à usage personnel, moyen pour le locuteur d’évacuer un trop plein de tension ou d’émotion. La force de l’impact de l’insulte ou de l’injure dépend tant de l’intentionnalité de l’émetteur que de la façon dont elle est reçue. À l’intérieur d’un groupe de pairs, son usage peut s’assimiler à une vanne malicieuse, contribuant ainsi à construire une contre-culture, mais constituant un affront à l’extérieur de celui-ci.
Certaines identités sont protégées par le législateur français qui a fait le choix de pénaliser l’injure proférée en raison d’une race, d’une ethnie, d’une religion, d’un physique ou d’un genre. Il en va de même pour la fonction liée à l’autorité publique protégée contre tout outrage sous la forme d’une offense ou d’une manifestation de mépris.

Pour autant, l’anti-politesse peut être considérée aussi comme le refus de se soumettre à la domination d’un système, en contestant ses codes et ses schèmes de communication accusés d’être des vecteurs de
subordination.-

Jacques Trémintin