N° 1216 | Le 2 novembre 2017 | Hélène Benedetti, éducatrice spécialisée | Espace du lecteur (accès libre)

L’Être…

L’hospitalisation, l’éloignement de son quotidien habituel peuvent être difficile pour la personne handicapée psychique. Certains peuvent s’interroger, consciemment ou non, sur leur place à l’institution : l’ont-ils toujours ? Ils peuvent aussi se demander ce qui se passe au foyer, ce que deviennent les autres… Les résidantes et résidants du foyer peuvent aussi se poser des questions sur ce que devient la personne hospitalisée. La situation de celle-ci peut faire écho à ce qu’ils ou elles ont vécu, à leurs angoisses, puisque beaucoup redoutent d’être hospitalisés.

Nous savons aussi que le lien, la relation à l’autre, peut être compliqué pour les personnes handicapées psychiques. Pour toutes ces raisons, nous veillons à écrire aux personnes hospitalisées.

Cela permet notamment de donner des nouvelles du foyer à la personne à l’hôpital, de lui montrer qu’on ne l’oublie pas, qu’elle a toujours sa place au foyer, et de la soutenir dans son hospitalisation.

Aux résidants de l’établissement, cela permet de passer un petit bonjour, de souhaiter qu’il prenne soin de lui, se rétablisse vite, et revienne au foyer rapidement. Sachant que de par leur pathologie, ils n’auraient très certainement pas la démarche d’écrire seul à l’autre. Il arrive toutefois qu’ils aillent voir le résidant hospitalisé : des liens d’amitié au fil du temps se sont tissés au foyer, des relations amoureuses aussi. Un jour, ils seront peut-être à leur tour hospitalisés : avec ce courrier, ils peuvent constater que les personnes hospitalisées ne sont pas oubliées…

On propose aux résidants du foyer de construire le courrier avec nous. Bien souvent, on va chercher des images en fonction des goûts, des centres d’intérêts du résidant hospitalisé : fleurs, paysages, photos d’instruments de musique, de sport... On convient ensemble d’un petit texte. Nous veillons aux choix des mots. L’idée du courrier étant qu’il soit entre autres bienveillant, réconfortant, et soutenant.

Parfois aucun résidant ne souhaite participer à l’ébauche du courrier. Avec la maladie psychique, les personnes peuvent avoir des difficultés à se dynamiser, à s’inscrire dans un projet. Alors, un éducateur seul s’en occupe. Nous informons les résidants que nous avons mis la lettre sur le point d’accueil dans le hall accessible à tous. Ainsi, chacun, s’il le désire, peut écrire quelque chose. Et il y a toujours des usagers qui écrivent. Certains le font toujours, d’autres parfois, d’autres jamais. Cela peut dépendre du lien qu’ils peuvent avoir avec la personne hospitalisée, ou/et de leur pathologie, ou/et de leur personnalité… Nous respectons leur choix. Ainsi une résidante qui a beaucoup de difficulté dans l’écriture participe toujours aux courriers. Mais comme elle a du mal à écrire, elle recopie le texte que met une autre résidente qui elle aussi met toujours un petit mot. Nous laissons la feuille ainsi quelques jours, suffisamment longtemps pour que les résidants qui le souhaitent puissent écrire.

Puis, nous l’envoyons. Parfois, des résidants hospitalisés répondent en disent quelque chose lorsque nous allons leur rendre visite ou lorsque nous les avons au téléphone, ou encore à leur retour au foyer. Ainsi, à une réunion de résidants, une femme qui avait été hospitalisée trois mois avait souhaité prendre la parole pour remercier le groupe de deux lettres que nous lui avions envoyée. Elle avait dit qu’elle les avait précieusement rangées.

Ecrire aux résidants hospitalisés peut paraître anodin, insignifiant… De fait, cela permet de travailler le lien, l’écriture, la notion de solidarité, d’apprendre à exprimer ce qu’on ressent sur papier … Cela peut soutenir la personne hospitalisée… Un véritable outil dans notre accompagnement au quotidien.