N° 1215 | Le 19 octobre 2017 | par Cédric Bienfait, CESF, intervenant social en commissariat | Espace du lecteur (accès libre)

Des réponses complémentaires

Une histoire banale. Une femme victime de violence conjugale prend rendez-vous avec un travailleur social. Le travailleur social lui conseille d’aller à la police pour déposer une plainte et de voir un psychologue pour un suivi. Cette femme est ensuite reçue par un policier. Il l’informe que suite à la plainte, monsieur va être arrêté. Madame panique et retire sa plainte. Le policier lui conseille de déposer au minimum une main courante et finit l’entretien en lui proposant de le rappeler si elle change d’avis.

Cette personne rencontre une psychologue. Elle lui dit qu’elle peut entamer une thérapie avec lui pour se libérer de cette emprise, mais pour que monsieur contrôle sa violence, c’est à lui de prendre rendez-vous, qu’il ne peut rien faire pour elle si sa demande le concerne, lui. Elle termine l’entretien en lui proposant un autre rendez-vous pour commencer une thérapie, ce que madame refuse.

Le policier et le psychologue ne comprennent pas pourquoi l’assistante sociale l’a orientée vers eux si elle ne voulait, ni déposer plainte, ni commencer une thérapie. Le travailleur social ne comprend ni la réaction du policier ni celle du psychologue. Quant à madame, elle ne comprend pas pourquoi aucun des trois intervenants ne l’a aidée.

Partant de ce constat, un décloisonnement des pratiques a été mis en place. Le travailleur social et le psychologue échangent entre eux, une entraide régulière permet de travailler avec madame ses différentes émotions (déni, frustration, peur, colère, culpabilisation). Le policier et le travailleur social vont réaliser un entretien en commun avec madame, car ils ont la même finalité, que la personne ne soit plus victime de violence conjugale. Même si les objectifs et moyens diffèrent (emprisonner monsieur, rechercher un hébergement...), il y a intérêt mutuel. Madame ne se sentira prête à déposer plainte que si elle est en sécurité dans un centre d’hébergement et n’est plus obligée de retourner chez elle où son mari l’attend, furieux. Elle n’acceptera un centre d’hébergement que si elle a une possibilité de retrouver son logement suite à la condamnation et à l’interdiction de retourner au domicile de monsieur. Ce partenariat gagnant/gagnant va permettre au travailleur social de se recentrer sur ses missions premières (accueil, évaluation, accompagnement, orientation). Ce « parcours accompagnement partage » a été une réussite grâce à la tolérance et le non jugement des pratiques de l’autre.