✖ TRIBUNE - Réagir face au terrorisme
L’effroi nous a saisis à l’annonce de la barbarie commise contre Samuel PATY décapité en raison d’un cours où il a exprimé que le droit au blasphème existait dans notre République. Il nous a de nouveau étreint, en apprenant que trois croyants avaient été égorgés dans une église de Nice. Droit de croire ou de ne pas croire constitue les deux faces d’une même médaille : celle de la liberté d’expression. A chaque fois, le jeune coupable de ces crimes ne semble pas, comme bien souvent, réduit à un crétin psychologiquement fragile mais plus à un endoctriné sûr de sa foi, aveuglé par des conceptions absolutistes mettant bien en avant son incapacité à accepter la critique du Prophète et son expression caricaturale.
Après une émotion légitime, le gouvernement se doit de réagir et déjà, une chasse aux sorcières s’installe. La laïcité française s’est nourrie tout au long de son histoire de sa confrontation à un adversaire religieux inévitablement considéré comme intrinsèquement rétif à la modernité. Autrefois, c’était le cléricalisme. Aujourd’hui, la défense de la laïcité viendrait mettre en cause l’Islam au nom de la monstruosité de la violence islamiste. Sans y prendre garde, nous pourrions vite courir le risque d’une stigmatisation fondée sur un rejet d’une religion, l’Islam, renvoyant à l’instrumentalisation du religieux à des fins politiques.
Dans ce nouveau combat, il ne s’agira pas de convoquer le principe de la laïcité sans dénoncer les discriminations ou la ghettoïsation. Oui, la question de la relégation sociale, de la stigmatisation est tout aussi importante que celle de la lutte contre les mosquées salafistes. En évitant le débat sur la question sociale, le gouvernement ne règlera pas la question des moyens nécessaires pour une politique d’enseignement digne de ce nom, pour une formation à la laïcité propre à la complexité démographique et sociétale, pour permettre un vivre ensemble qui n’est pas uniquement l’expression de prescriptions et d’interdits. Reconnaître les causes psycho-sociales qui conduisent au terrorisme n’est jamais une excuse mais c’est aussi une façon d’humaniser l’autre.
Nous ne sommes pas associables à toutes ces associations qui parlent de racisme d’État, qui veulent essentialiser la lutte contre l’Islamophobie, qui amalgament la sécularisation des religions et courants religieux judéo-chrétiens avec l’Islamisme radical et qui refusent la fermeture des mosquées salafistes et des écoles coraniques ou qui trouvent des excuses sociales ou psychologiques aux terroristes. L’idéologie de l’islamisme radical et obscurantiste veut détruire nos valeurs de liberté d’expression, de genre, de pensée. Il nous faut réfléchir sur la manière dont le travail social peut prendre sa part dans ce combat. La relégation dans les quartiers est aussi le fruit de compromis voire parfois de compromissions entretenues par des alliances entre certains politiques, de soi-disant leaders, des grands frères, des caïds et des religieux, conduisant à des violences exercées d’abord sur la population des quartiers au mépris des libertés individuelles et de la laïcité. Sans une analyse excluant toute complaisance sur cette manière d’avoir entretenu cette relégation et cette stigmatisation on n’arrivera pas à donner une autre image du travail social. La population vulnérable se sentant esseulés et en totale survie a parfois fermé les yeux sur des trafics pour avoir la paix. Il est nécessaire de davantage irriguer le travail social avec une approche socio-politique permettant d’analyser les enjeux globaux et individuels. Il nous faut mener des actions collectives en partenariat avec les associations locales d’éducation populaire. Le chantier est immense pour rénover des pratiques permettant la prise de parole citoyenne et l’émergence du collectif.
Jean-Luc BOERO, éducateur spécialisé