■ ACTU - Rétention administrative • Une politique inhumaine

Le 22 septembre, cinq associations ont présenté un rapport sur les centres et locaux de rétention administrative. Elles y dénoncent une année 2019 marquée par le durcissement de la politique d’enfermement et des violations massives des droits.

« Enfermer plus et plus longtemps et ce malgré les conséquences inhumaines  ». Telle semble être la volonté du gouvernement, selon les cinq associations présentes en centre de rétention administrative (CRA) (1) qui ont présenté le mardi 22 septembre leur 11ème rapport annuel (2). Un rapport sévère.

En 2019, 53 273 personnes ont été enfermées en CRA en métropole et en outre-mer (dont 47 % à Mayotte), soit 23 % de plus qu’en 2018. Parmi elles, 3 380 enfants (contre 1 429 en 2018) dont des nourrissons. La rétention a également concerné 264 mineurs isolés sur le territoire français selon leurs déclarations, que l’administration a considérés comme majeurs sans plus d’évaluation pour déterminer leur âge. 60 % ont été libérés par des juges, ce qui souligne le caractère abusif de ces pratiques.

Tout-enfermement

L’année 2019 a été marquée par l’entrée en vigueur de la loi du 10 septembre 2018 réformant une nouvelle fois le droit des personnes étrangères. Elle permet notamment le doublement de la durée maximale de rétention (90 jours contre 45).
Une mesure qui a conduit à un allongement de la durée moyenne d’enfermement dans les centres de rétention administrative (CRA), dont les taux d’occupation restent importants ces dernières années. Ce changement législatif est allé de pair avec l’accroissement sans précédent du nombre de places dans les CRA : 1 700 en 2019 (contre 1 000 en 2017) ; sans compter quatre constructions prévues. « Encore plus de personnes enfermées et réprimées  », pointent les associations.
Si les données récoltées témoignent d’une augmentation du nombre d’éloignements en valeur absolue, rapportée au nombre de mesures d’éloignement prises cette même année, l’efficacité de cette politique reste faible.
Les associations dénoncent également un défaut d’examen des situations individuelles. Ainsi, des ressortissants originaires d’États défaillants ou en situation de conflits armés, ont été privés de liberté aux fins d’être reconduits dans leurs pays malgré les menaces pesant sur leur vie. Si la majorité d’entre eux échappent de justesse à l’éloignement, certains - Afghans et Soudanais, notamment - ont été renvoyés vers ces territoires dangereux pour eux.
« Le recours excessif à la rétention et le défaut de discernement conduisent régulièrement à l’enfermement de personnes particulièrement vulnérables qui souffrent parfois de pathologies physiques ou mentales graves  », poursuivent les associations. Elles observent une augmentation sans précédent des faits de violences et d’actes désespérés, tels que des automutilations, des grèves de la faim et des tentatives de suicide. Trois personnes sont décédées en 2019 dont une par suicide.

Enfermés malgré le Covid

Durant la crise sanitaire, des CRA ont tardé à prendre des mesures sanitaires utiles pour prévenir l’exposition des personnes enfermées faisant peser sur elles un risque de contamination. Des cas avérés montrent que le respect du droit à la santé a pu passer après la volonté d’éloigner, quelles que soient les circonstances.
Aujourd’hui, pour l’expulser, le PCR d’une personne retenue doit être négatif. Certaines refusent de passer le test– ce qui est leur droit – et sont parfois condamnées à de la prison ferme ou du sursis.
Face à l’ensemble de ces considérations, les associations jugent « urgent de revoir l’usage massif de l’enfermement des étrangers qui découle de la politique française d’éloignement alors que des solutions alternatives peuvent être envisagées. »


(1) ASSFAM-Groupe SOS Solidarités, France terre d’asile, Forum Réfugiés-Cosi, La Cimade et Solidarité Mayotte.

(2) https://www.lacimade.org/publication/rapport-national-2019-sur-les-centres-et-locaux-de-retention/?utm_content=contenu