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■ ACTU - Expulsions : Avant la trêve, le déluge

Moins d’un an après l’adoption de la loi Kasbarian-Bergé « visant à protéger les logements contre l’occupation illicite », les associations d’aide aux locataires s’inquiètent de l’explosion du nombre d’expulsions avant la trêve hivernale.

La situation est explosive. Selon la Fondation abbé pierre (FAP), ce sont plus de 38 000 personnes qui ont été expulsées de leur logement par les forces de l’ordre en 2022. Un chiffre record, en hausse de plus de 130 % en 20 ans et qui ne cesse d’augmenter chaque année.



Plus de 8 000 personnes sont refoulées chaque soir au 115 faute d’hébergement, dont 2 800 enfants. ©Jérémie Rochas

« Un cap a clairement été franchi : ces derniers mois, des familles avec enfants en bas âge, des personnes en situation de handicap, des personnes âgées ont été expulsées sans même une mise à l’abri hôtelière, solution pourtant loin d’être satisfaisante », déplore Manuel Domergue, directeur des études de la Fap.

Censée jouer les garde fou, l’instruction du 3 avril 2023 qui enjoint les préfets à reloger ou à héberger les personnes avant l’expulsion, serait régulièrement bafouée. Même des personnes prioritaires au Droit au logement opposable (Dalo) seraient expulsées.

Loi Kasbarian, l’heure des comptes

Dans l’agglomération lilloise, le nombre d’expulsions avec le concours de la force publique a doublé en 2022. « La préfecture du nord a reçu des directives nationales l’incitant à faire passer le droit de propriété devant le droit au logement et à reprendre le rythme des expulsions d’avant covid », explique Antonio Delfini, président de l’Atelier populaire d’urbanisme (Apu) du Vieux-Lille qui soutient juridiquement les locataires menacés d’expulsions. Selon lui, l’augmentation excessive des régulations de charges locatives imposée par certains bailleurs serait aussi la cause de ces situations de détresses sociales.

« Le nombre de personnes menacées d’être jetées à la rue en plein hiver augmente chaque année, conséquence de nouvelles lois toujours plus répressives et de la violation massive de celles qui protègent les plus fragiles », s’alarme l’association Droit au logement (Dal) qui pointe du doigt la loi Kasbarian-Bergé mise en application l’été dernier. « Les résidents temporaires peuvent être expulsés en plein hiver à la suite d’un jugement expéditif violant le droit à la défense », résume le Dal.

Renouveler les pratiques

Présentée comme une loi anti-squat qui sanctionne plus lourdement les squatteurs, elle accélère également les procédures d’expulsions en cas d’impayées. « Avant, les personnes accompagnées avaient peu de chance d’être effectivement expulsées. On pouvait obtenir des délais et négocier avec les bailleurs. Aujourd’hui, nos outils juridiques deviennent quasiment inutiles », confirme Antonio Delfini.

Pour faire face à ce tournant répressif contre les locataires, l’Apu envisage de renouveler ses pratiques pour se saisir de modes d’actions politiques tels que la grève des loyers et la réquisition des logements vacants.

Jérémie Rochas


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