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📝 Tribulations d’une assistante sociale de rue ‱ Vamos a la playa (X Righiera) versus Respect (X Aretha Franklin)

Connaissez-vous cette envie dĂ©mesurĂ©e, ce besoin primordial de partir en congĂ©s, ce rĂȘve de plages au sable fin entourĂ©es de lagons turquoise dans lesquels plonger nos pieds serait d’un rĂ©confort inaltĂ©rable ?
Alors voilĂ , aprĂšs une pause me semblant bien mĂ©ritĂ©e – qui, contrairement Ă  ce que vous imaginez, ne s’est pas dĂ©roulĂ©e sous les cocotiers mais dans ma natale Franche-ComtĂ© – je reprends tout juste le travail par une journĂ©e de rĂ©unionite aigĂŒe. La teneur de ce moment vacille de dĂ©saccords habituels, d’hypocrisie courante, de manque de respect Ă  des insultes criantes.
Par ailleurs, depuis quelques mois, j’assiste impuissante au dĂ©part de membres de l’équipe – dont les motifs sont personnels et n’ont pas de rapport avec les missions et le travail menĂ© au quotidien – sans qu’aucun remplacement ne puisse ĂȘtre trouvĂ© dans de brefs dĂ©lais, faute de candidatures. Autant vous dire que pour un service comptabilisant dix effectifs – j’aime ce terme car je nous espĂšre efficients –, l’absence de deux personnes est dĂ©jĂ  lourde
 Je rĂ©alise donc cet Ă©tat de fait, lors de ce mĂȘme moment cafardeux. OĂč sont les Ă©ducs de rue prĂȘts Ă  passer des journĂ©es dehors pour un moindre salaire ? Parce que oui, avouons-le, un travailleur social, mĂȘme diplĂŽmĂ©, ne pourra jamais miroiter un chĂąteau en Espagne. Qui voudrait donc venir travailler en plein Paris, quand le coĂ»t de la vie et les prix du parc immobilier saturĂ© sont trop Ă©levĂ©s ?
Ensuite, vous reconnaitrez sĂ»rement ce dĂ©sarroi auquel je me suis confrontĂ©e, il est similaire Ă  une gifle qui ramĂšne Ă  une rĂ©alitĂ© esquivĂ©e pendant les derniĂšres vacances et Ă  un soudain dĂ©couragement subi. Alors ce jour-lĂ , ce dĂ©sarroi me (sur)prend de plein fouet sans que j’aie pu l’anticiper et cette sempiternelle envie revient au galop : (re)partir loin sur une Ăźle dĂ©serte et idyllique.
Il n’y a rien de moins social que le social ! Ici, je ne vous ferai pas l’affront d’écrire la quantitĂ© de jurons qui germent dans mon esprit bien que l’envie pugnace soit persistante. Bref, comment travailler avec les plus prĂ©caires quand mĂȘme institutionnellement ou entre collĂšgues le respect de l’autre est nĂ©gligĂ© ?
Pour surenchĂ©rir aux affaires prĂ©citĂ©es, j’ai dĂ©couvert, lors de mes fameux et merveilleux congĂ©s, une publicitĂ© de l’État cherchant Ă  recruter des infirmiers et du personnel pour les mĂ©tiers d’accompagnement social. « Nous avons besoin de vous », qu’ils disent. Cette annonce a eu un goĂ»t de dĂ©jĂ  vu puisqu’elle parait similaire Ă  celles que je connaissais habituellement tentant de favoriser un engouement pour l’armĂ©e française. Vous voulez recruter ? Alors commencez par proposer des conditions de travail favorables tout comme une revalorisation salariale, mais aussi et surtout, commencez par signifier de la reconnaissance aux personnes sur le terrain au quotidien.

Respectez-nous, respectons-nous, respectes-toi, respectes-moi !