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📝 Tribulations d’une assistante sociale de rue ‱ M’enfin (1), on ne dĂ©coupe pas les gens Ă  la scie Ă©lectrique !

Sortir de sa zone de confort est courant pour un travailleur social car il n’est pas rare de se retrouver dans des moments cocasses qui demandent alors une grande maĂźtrise de soi pour contenir son calme et son sĂ©rieux. Lequel d’entre vous n’a jamais Ă©tĂ© en difficultĂ© pour cacher le fou rire qui lui venait ?
Donc, il y a quelques jours, je m’entends prononcer calmement la phrase suivante Ă  un jeune homme : « Mais enfin Manu (2), on ne dĂ©marre pas une scie Ă©lectrique pour menacer son collĂšgue de le dĂ©couper ! ». Je me dis, ensuite, que je fais un drĂŽle de mĂ©tier et que jamais je ne me serais imaginĂ©e avoir ce genre de discussion. D’ailleurs, je ne comprends qu’aprĂšs coup le fou rire de ma cheffe qui m’entend rĂ©pĂ©ter cette phrase, face Ă  l’incomprĂ©hension de Manu. Quel dĂ©calage entre le ton de ma voix et les mots qui sortent de ma bouche !
Cet Ă©pisode m’a rappelĂ©e des Ă©vĂšnements tout aussi caustiques, j’ai donc voulu les partager avec vous.
D’abord, je me souviens d’une discussion oĂč je rĂ©ponds « Ah non, on ne remarque pas du tout la plaque vissĂ©e sur votre front, le visseur a fait du bon travail ! » Ă  un Monsieur psychotique en plein dĂ©lire et inquiet que l’intervention, qu’il aurait subi la veille, ait laissĂ© des traces sur son visage.
Puis, je me rappelle d’une conversation surrĂ©aliste qui a eu lieu avec un couple :
« Madame PosĂ© : Madame Machin, vous savez ce qu’il m’est arrivĂ© cette nuit ?
Moi : non, non, dites-moi

Mme PosĂ© (trĂšs sĂ©rieuse) : HĂ© ben, l’hĂŽtelier, il est rentrĂ© dans ma chambre, pendant que je dormais, et il m’a tirĂ© sur le testicule !
Moi (un brin surprise et retenant le sourire qui Ă©tire mes lĂšvres) : Ah bon ? Vous avez un testicule ?
Madame PosĂ© (toujours sĂ©rieuse et se tournant vers Monsieur PosĂ©) : Mais Monsieur PosĂ©, comment ça s’appelle dĂ©jĂ , je ne sais jamais comment il s’appelle ce truc ??
Monsieur PosĂ© (blasĂ©) : un clitoris Madame PosĂ©, un clitoris

Madame PosĂ© : voilĂ  Madame Machin, l’hĂŽtelier, il m’a tirĂ©e sur le clitoris, le clitoris vous vous rendez compte !!!! ».
Bon
 Vous vous en doutez, ici, j’assiste patiemment Ă  l’expression d’un nouveau dĂ©lire. Pourtant, je crois qu’il s’agit de l’une des seules fois oĂč j’ai dĂ» trouver une excuse, pour sortir de mon bureau et laisser libre court Ă  mon hilaritĂ©.
Donc, parfois, notre travail pourrait ĂȘtre rĂ©sumĂ© simplement :
- Rappeler Ă  certains les codes de bonnes conduites – « non la menace Ă  la scie n’est pas le meilleur moyen de rĂ©gler son diffĂ©rend avec un collĂšgue » – ;
- Tenter de suivre certains dans leurs dĂ©lires psychotiques, car les couper trop brusquement pourrait favoriser un passage Ă  l’acte – « bien sĂ»r, j’irai parler avec le mĂ©decin qui vous a opĂ©rĂ© » – ;
- Savoir diffĂ©rer et Ă©courter un entretien quand nous ne sommes plus en capacitĂ© de continuer – « Mme PosĂ©, aux vues de ce que vous venez de me dire, je me renseignerai sur cet hĂŽtelier et vous en ferai un retour Ă  notre prochain rendez-vous »
En somme, la seule rĂ©flexion qui peut conclure ce billet est : « qu’est-ce qu’on est mal payĂ© mais qu’est-ce qu’on rigole » (3) !!!


(1) Gaston sort de ce corps ! (2) Ici le prĂ©nom est bien Ă©videmment modifiĂ© et quoi de mieux que de mettre celui de notre cher prĂ©sident ! (3) Expression piquĂ©e Ă  l’un de mes collĂšgues, CF VulgaritĂ©s de dĂ©part  !