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► LE BILLET de Vince • Bouts de toi et fins de moi

Comme chaque année, l’arrivée des vagues de froid réveille l’émoi des bonnes consciences face au sort des habitants de la rue. Les commentaires indignés se répètent inlassablement chaque hiver. On se désole de devoir distribuer des gants et des couvertures plutôt que de réussir à convaincre les pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités dans des politiques de relogement. On rage de voir les files d’attentes de l’aide alimentaire se garnir et les places d’accueil d’urgence demeurer insuffisantes.
Ce gouvernement méprise le social, c’est une évidence. Les joutes politiques de responsabilités entre les collectivités territoriales et l’État ne produisent que du vide. Seules les associations militantes mettent inlassablement leur énergie à chercher des réponses, à panser les brèches de l’échiquier bureaucratique. Combien de temps vont-elles tenir encore ?
Jusqu’à présent elles étaient ignorées. Aujourd’hui elles sont attaquées : suppressions de subventions, déconventionnements… La solidarité bat de l’aile à son tour. L’orientation tout sécuritaire de l’État et de certains départements ne lui laisse que peu de chances. La crise sanitaire est, bien entendu, très utile pour définir « les priorités » des français. La santé dites-vous ? Vraiment ?
Parlons-en de la santé de ceux qui dorment sur du carton ! De la santé des exclus, des marginaux, de tous ceux qui ne « rapportent rien », qui « coûtent » même.
Conséquence du désengagement politique : les actions de solidarité sont morcelées, éclatées. C’est devenu ce que j’appelle désormais « les bouts de toi ». Avec des bouts de toi, on bricole, on colmate mais il est bien difficile de constituer ne serait-ce que des « des bouts de nous ». Avec des bouts de toi (ou de toit), on ne peut même plus assurer la mise à l’abri ! Pour être en sécurité, il faut un toit complet, bien étanche, solide, sûr.
Mais non satisfaits de dissoudre le collectif, les pouvoirs publics s’appliquent aussi à s’attaquer à l’individu. Les lanceurs d’alerte, les « grandes gueules », les plus engagés font l’objet d’attaques en tous genres. Ils rejoignent le rang des précaires malgré eux, menacés dans leurs emplois, leurs fonctions ou mêmes leurs engagements bénévoles. C’est ce que j’appelle « les fins de moi », la fin des consciences individuelles et morales. Et les fins de moi (ou de mois) sont dures pour les plus fragiles, on le sait bien.
Le challenge, pour l’action sociale aujourd’hui ?
C’est sans doute de retrouver du sens commun, de la « militance », de l’élan collectif autour des valeurs fondamentales de la solidarité. Comment se fait-il d’ailleurs que le terme « solidarité » n’a jamais intégré le triptyque des piliers de notre devise nationale ? Coïncidence ? Je ne crois pas.
La réponse ne pourra être que politique. L’enjeu est essentiel et il conviendra d’étudier précisément le programme de chaque candidat à la Présidence de la République dans ses moindres intentions, dans ses promesses de lutte (ou non) contre les « bouts de toi » et les « fins de moi ».