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ACTU-Une 3e salle de consommation à moindre risque en France ?

Marseille devrait ouvrir sa première salle de consommation à moindre risque début 2024. Il était temps, car les besoins sont identifiés depuis plus de 30 ans, le premier projet remontant à… 1994.

Les décennies passent et les freins subsistent, même si les expérimentations de Paris et Strasbourg, menées depuis 2016, ont démontré leur efficacité.



La 3e salle de consommation à moindre risque en France connait les mêmes difficultés à s’implanter que celles de Paris et de Strasbourg. ©Myriam Léon

Publié en 2021, un rapport de l’Inserm (1) évalue d’ailleurs scientifiquement une réduction des contaminations pour les personnes qui injectent des substances (PQIS) aux virus du Sida et de l’hépatite C, une baisse des overdoses et un impact positif pour la tranquillité publique.

Rapport de l’Inserm

À peine le site marseillais a-t-il été connu que ce choix a soulevé une bronca des riverains, habitants, propriétaires et commerçants, colère et peur attisées par les opposant politique à la mairie. La nouvelle majorité municipale avait inscrit dans son programme la création de ce dispositif de réduction des risques.

« Ce projet a d’abord été validé par l’ensemble des Caarud (ndlr : centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues) marseillais en 2019, explique Stéphane Akoka, directeur d’Asud Mars Say Yeah, l’association d’auto-support porteuse du projet. Puis nous avons constitué, avec les associations concernées (2), un groupe de pilotage stratégique pour répartir le travail et faire fonctionner l’intelligence collective. Il y a une dynamique intéressante. »

Consommateurs de rue

Une dynamique nécessaire, alors que les consommations évoluent ces derniers temps. « On voit une augmentation des consommations de rue et des points de deal en centre ville alors que les gens allaient plutôt toucher dans les quartiers, constate le spécialiste. Et surtout, on trouve de la cocaïne de très bonne qualité à partir de 10 euros la dose, d’ailleurs le nombre de pipe à crack distribuée par les asso de réduction des risques a considérablement augmenté, trois fois plus qu’en 2020. » Les associations recensent dans leur file active entre 5 à 600 consommateurs en situation de grande précarité, donc 90% sont des injecteurs. C’est à eux que s’adresse ce dispositif.

« Les besoins sont prégnant parce que des personnes consomment dans le centre ville dans des conditions catastrophique entre deux voitures, dans des parkings, sans aucune hygiène, et dans le stress de la répression ou de l’interpellation des riverains, qui les met en insécurité donc elles font vite et mal, ça provoque des situations d’abcès, d’endocardite, de poussières, déplore Maela Le Brun Gadelieus, du Bus 31-32 Csapa (Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) et Caarud itinérant. Là, les habitants font comme si rien ne se passait chez eux. Or à Marseille, il y a toujours eu plusieurs petites scènes de consommation sur tout le centre ville, donc il n’est pas rare de voir des seringues parterre et parfois des personnes qui s’injectent. »

Préfet et procureur dans le comité de pilotage

Le local identifié se trouve en centre ville à 20 minutes à pied maximum des lieux de deal, un quartier déjà concerné par la consommation de rue. Loin d’être un dispositif voulu par quelques associations militantes, son comité de pilotage comprend la préfecture, l’agence régionale de santé, le procureur de la république, la mairie… Cette fois, le « pas en bas de chez moi » ne devrait donc pas l’emporter. La médiation avec les riverains va commencer pour informer pour calmer les oppositions.

Les salles de consommation à moindre risque, désormais dénommées « haltes soins addictions », répondent à un cahier des charges encadré par le ministère de la santé, qui devrait prochainement signer l’ouverture de cette troisième "salle de shoot" en France. Les six postes d’injections, six pour les fumeurs et deux d’inhalation seront encadrés par 14 professionnels du sanitaire et du social. En plus, 6 médiateurs seront chargés de maraudes pour orienter les consommateurs et désamorcer les problèmes avec les riverains.

Myriam Léon

1 : Salles de consommation à moindre risque : rapport scientifique – Mai 2021

2 : Addiction Méditerranée, Aides, BUS 31/32, Groupe SOS, Médecins du Monde, Nouvelle Aube, Vers Marseille Sans Sida et Sans Hépatites


À lire aussi dans Lien Social n°1169 : Addictions/Augmenter les connaissances sur la réduction des risques, et le dossier du n°1092 : Salle de consommation à moindre risque : Paris sur les rails