N° 712 | Le 10 juin 2004 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Travailler en réseau

Philippe Dumoulin et al.


éd. Dunod, 2003 (270 p. ; 29 €) | Commander ce livre

Thème : Pratique professionnelle

Voilà un ouvrage qui fera date. Le lecteur qui s’intéresse au travail en réseau se le procurera sans tarder et pourra consulter avec satisfaction un véritable manuel que l’on peut lire comme on l’entend : en commençant par les principes et concepts ou en préférant lire directement les études de cas. Le responsable de service pourra, tout autant, se plonger dans la méthodologie de management qui lui est proposée et qui lui indique comment concevoir et initier un réseau professionnel. La notion de réseau recouvre plusieurs réalités qu’il ne faut pas confondre. C’est d’abord le « pairage », cette orientation fréquente d’un usager que pratique un travailleur social en direction d’un collègue pouvant fournir un service complémentaire au sien. C’est ensuite une approche qui désigne la constitution de réseaux d’action plus élaborés de professionnels partageant tous le même projet ciblé et qui décide de mettre leur réflexion et leur effort en commun pour mieux résoudre le problème d’un usager.

Le travail en réseau consiste encore à s’appuyer sur le réseau primaire (leur famille, leurs voisins, leurs amis…), pour essayer de trouver collectivement une solution s’appuyant donc bien plus sur les ressources du milieu que sur l’intervention de « spécialistes ». Le réseau, c’est aussi la démarche qui favorise les échanges réciproques de savoirs entre usagers qui sont ainsi incités à se faire bénéficier mutuellement de leurs compétences réciproques. Mais, quelles que soient ses déclinaisons, la démarche de réseau s’appuie sur la même nécessité que ressentent des individus, à un moment donné, d’établir des échanges et des collaborations devant le constat que la résolution de leurs problèmes dépasse leur capacité isolée à y faire face seul. Il s’agit donc bien là d’une approche systémique et globale qui favorise l’appréhension de la complexité des interrelations humaines.

C’est une réponse au maquis des dispositifs qui morcellent l’usager à partir de la catégorie du problème auquel il est confronté. Cette technique d’intervention professionnelle possède bien des avantages. À commencer par la relance d’une solidarité entre intervenants qui privilégie la synergie et la coopération sur les relations verticales (qui segmentent en autant de services concurrentiels) et les relations horizontales (qui instaurent des domaines réservés). Autre bénéfice pour les professionnels : des souplesses, des marges d’autonomie et d’initiative ainsi que des opportunités d’innovation. Quant à l’usager, il se trouve propulsé au centre de l’action.

Bien sûr, il existe des risques de dérive. Cette coordination peut déboucher sur une forme abusive de contrôle social, faisant sortir l’usager de l’opacité à laquelle il a droit. La force acquise par le réseau des intervenants peut affaiblir les réseaux primaires. Sans compter la dépendance de cette forme d’intervention à l’égard des personnes qui l’animent : qu’elles viennent à changer de poste et le réseau peut disparaître. Pour autant, la modification des comportements des travailleurs sociaux passant par le changement de leur mode d’organisation, le travail de réseau ouvre une voie pour renouveler les pratiques.


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