N° 1249 | Le 16 avril 2019 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Le massacre des innocents

Michèle Créoff et Françoise Laborde


auto-édition, 2018, (173 p. – 7,91 €)

Thème : Protection de l’enfance

L’une est journaliste. L’autre, ancienne inspectrice à l’enfance et vice-présidente du Conseil national de la protection de l’enfance. C’est un coup de colère qu’elles poussent face à un constat révoltant. En France, chaque jour, deux enfants sont tués dans le secret du cercle familial et un enfant violé chaque heure. Chaque année, 73 000 enfants sont victimes de violence. La société ne reste certes pas inerte face à ce terrible constat, puisque l’Aide sociale à l’enfance accompagne 300 000 mineurs, s’en voyant confier 160 000.

Pourtant, certains d’entre eux ne sont pas retirés de leur famille assez vite. C’est Nora, âgée de deux mois, mourant sous les coups de son père, alors que vingt-deux professionnels étaient mobilisés pour aider ses parents. C’est Bastien, noyé à trois ans dans la machine à laver où l’avait enfermé son père. C’est Marina, décédée à huit ans, après le long calvaire imposé par ses parents. C’est Mandolina, trois ans, enfermée dans un sac et jetée dans une rivière par sa mère. L’horreur de ces détails ne doit pas amener le lecteur à détourner les yeux. Selon la règle qui veut que l’on ne parle que des trains qui n’arrivent pas à l’heure, nos deux auteures développent longuement toutes ces situations d’enfants qui n’ont pu être protégés, ignorant le travail considérable permettant de sauvegarder malgré tout nombre d’enfants qui ont pu l’être.

Pour autant, le discours tenu ici ne se limite pas à la seule dénonciation. Il se veut constructif, ne se contentant pas de mettre le doigt là où ça fait mal, mais avançant toute une série de propositions à la fois réalistes et réalisables. C’est, tout d’abord, l’évaluation des situations à risque qui mériterait d’être bien mieux outillée. Mais c’est aussi ce référentiel national proposant un questionnaire détaillé pouvant servir de guide opérationnel à des équipes pluridisciplinaires méritant d’être mieux formées. Autre préconisation, la désignation systématique d’un avocat assurant la défense de l’enfant, tout au long de la procédure. Puis vient la permanence des figures d’accueillants sécurisants dont la continuité doit primer sur la priorité si souvent donnée au maintien des liens filiaux. Il faut encore endiguer ces parcours chaotiques en répondant aux délaissements familiaux par un changement de statut pouvant aller jusqu’à l’adoption. Ce qui implique de prolonger les suivis et les accueils au-delà de la majorité, trop brutalement arrêtés aujourd’hui. Enfin, le retour sur expérience dans les situations d’échec indispensable pour en tirer les leçons.


Dans le même numéro

Critiques de livres