La protection de l’enfance demande protection

« Vous êtes là pour nous protéger, mais vous ne pouvez même pas vous protéger vous-mêmes » . Formulé par une jeune du foyer d’accueil d’urgence départemental des Hauts-de-Seine, ce constat résume l’impuissance du personnel de l’établissement. Une partie de l’équipe a constitué le collectif ASE92 pour lancer une pétition le 31 mai dernier et pousser les autorités de tutelles à prendre les décisions qui s’imposent.

Elle décrit depuis un an une situation qui se dégrade, la violence qui monte et les arrêts maladie qui se succèdent sans systématiquement provoquer des remplacements. Malgré les alertes répétées en direction du chef de file, le Conseil départemental, rien ne bouge.

Logique gestionnaire coûteuse

Censée accueillir 48 enfants âgés de 3 à 13 ans dans l’attente d’une orientation adaptée, l’équipe du foyer de Hauts-de-Seine reçoit de plus en plus de jeunes atteints de troubles psychiatriques. « Nous ne sommes pas formés à accompagner ces enfants inadaptés au collectif et qui se retrouvent chez nous parce que les petites structures beaucoup plus contenantes ont fermé, constate une éducatrice spécialisée souhaitant rester anonyme. Nous n’avons plus de psychiatre dans la structure depuis 2 ans et nous sommes confrontés à des douleurs psychologiques terribles, alors que nous ne sommes pas formés. »

Durée de séjour étendue de 12 à 18 mois au lieu des 4 à 6 prévus, accueil d’adolescents jusqu’à 17 ans à la suite de la fermeture de deux foyers en décembre, cohabitation entre agressés et agresseurs faute de place, climat d’agression permanent lié aux dysfonctionnements institutionnels… La pétition dresse la liste des mécaniques qui, au lieu de protéger les enfants, risquent « de les abîmer plus qu’ils ne le sont déjà ». Soutenue au quotidien par sa hiérarchie, l’équipe est aujourd’hui révoltée par les politiques départementales mues par une logique gestionnaire, finalement couteuse.

Des Hauts-de-Seine jusqu’à Marseille

« L’arsenal financier et législatif existe mais n’est pas mis en œuvre. Cette incompétence coupable risque de fabriquer des SDF, des délinquants, des extrémistes. » L’économie réalisée sur les structures et le personnel coûte finalement très cher à la collectivité en commençant par le recours régulier aux urgences. Contactée le 8 juin, la directrice « Famille enfance jeunesse » du Conseil départemental, n’a à ce jour pas obtenu l’autorisation de sa hiérarchie de répondre à Lien Social.

En deux semaines, le texte a recueilli 1 055 signatures émanant de toute la France. Rien d’étonnant : il décrit une dégradation des conditions d’exercices commune à de nombreux services de la protection de l’enfance. Le 29 mai, des travailleurs sociaux marseillais portaient plainte contre l’État et le département pour violences volontaires sur mineurs. À Saint-Etienne, l’équipe de l’aide sociale à l’enfance a déclenché son droit de retrait le 10 juin jusqu’à l’arrêt du danger psychologique et physique des agents dans l’exercice de leur mission. À Angers, environ 2 000 personnes ont défilés le lundi 12 juin pour protester contre le projet de réorganisation de la protection de l’enfance du Conseil départemental du Maine-et-Loire, menaçant quelque 350 emplois.

Pétition à lire et/ou signer