N° 1347 | Le 12 octobre 2023 | Critiques de livres (accès libre)

Habiter en CHRS, faire comme chez soi quand on n’a pas de chez soi

Cédric Sadin-Cesbron


Éd. Érès, mai 2023, 352 p., 19,50 € | Commander ce livre

Thèmes : CHRS, Logement, Insertion

Rencontre vidéo avec Cédric Sadin-Cesbron

Fais comme chez toi !

Tiré de son mémoire professionnel analyse et conception de l’intervention sociale (ANACIS), Cédric Sadin-Cesbron nous offre une réflexion importante sur l’accompagnement en centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et notamment sur la notion d’habiter.

Cet ouvrage nous offre ce qu’habiter veut dire, dans l’ambivalence du dispositif d’hébergement qu’est le CHRS : la condition de vulnérabilité de ces lieux de vie temporaires ; avec du côté des usagers, comment se décline le fait d’habiter comme épreuve du «  maintien de soi  », et d’un autre, les travailleurs sociaux aux questionnements sans limites. Construit en trois grandes parties, l’ouvrage présente dans un premier temps ce que l’auteur appelle les temporalités paradoxales de l’hébergement social. Il était pertinent de revenir sur l’histoire, les missions d’un CHRS, le cadre législatif et financier, mais également sur l’évolution des politiques et les changements dans l’accompagnement des résidents. Il y est question du nouveau paradigme du Logement d’abord qui remet en question l’hébergement social, entre temporalité trop longue pour accéder au logement et critique de l’accueil en collectif. S’il existe bien une diversité de besoins, il doit y avoir une diversité des réponses à apporter. Tout ne serait pas à voir sous ce nouvel angle du Logement d’abord, mais sous le prisme des temporalités de séjour et des situations diverses.

Qu’est-ce qu’habiter ?
L’habiter en hébergement social constitue la recherche en elle-même, deuxième partie du livre. Qu’est-ce qu’habiter veut dire ? Avec ses thématiques de la cohabitation collective, le mélange des publics, les consommations de produits, les capacités à vivre en logement, la présence sur place des travailleurs sociaux, le besoin de reconstruction, l’angoisse du devoir partir. Comment être chez soi et en même temps sur le départ constant ? Il est ici présentée la nécessité de respecter les différentes temporalités et situations des usagers, qui ne correspond pas forcément au temps politique, institutionnel. Cela nécessiterait alors une pluralité de réponses singulières à apporter de la part des institutions. Le Logement d’abord ne saurait constituer une réponse unique, de plus sans les moyens octroyés en termes de nombre de logements et de professionnels.

Des réponses nuancées
Fort de ces constatations, l’auteur s’est attaché en troisième partie à savoir ce que font les institutions et les travailleurs sociaux de cette notion «  d’habiter  », en présentant comment les professionnels invitent les résidents à faire comme chez eux, cela en revisitant la notion d’hospitalité à travers l’histoire, et ses contraintes, ses paradoxes. Il faut habiter, provisoirement, et s’activer à partir. L’habiter s’en trouve empêché. Comment dépasser ce clivage hospitalité/contrainte ? En l’articulant. C’est l’objet de diverses propositions pour repenser l’hébergement social, sur ce «  droit à habiter dans des conditions décentes  » par un accompagnement modulable et adaptable au libre choix des personnes accueillies.
Ainsi, sans remettre en cause l’approche du Logement d’abord, l’auteur met en lumière le risque de glissement d’un droit au logement à une injonction au logement pour tous. Et propose des réponses diverses aux besoins multiples. Cela afin d’être au plus près des besoins pour rendre l’habitat plus efficient, digne et bientraitant.
Un ouvrage qui éclaire d’un nouveau regard l’hébergement social et qui devrait intéresser tous les professionnels du secteur, mais aussi les étudiants afin de garder l’esprit critique.

Ludwig Maquet


L’auteur

Cédric Sadin-Cesbron est éducateur spécialisé de formation initiale. Il a travaillé pendant plus de dix ans auprès de personnes sans-abri, que ce soit au Samu social, en centre d’hébergement d’urgence ou en CHRS. Membre du collectif SOIF de Connaissances, il est aujourd’hui responsable formation supérieure et recherche à Ocellia (Lyon).
©Claudie Subrin


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