N° 1258 | Le 30 septembre 2019 | Critiques de livres (accès libre)

Du côté des enfants en danger

Laura Izzo et Christophe Anché


Éd. des Équateurs, 2019 (156 p. - 18 €)

Thème : Protection de l’enfance

La protection de l’enfance au quotidien

Choquée par des faits divers sor­dides impliquant des enfants, l’opi­nion publique est prompte à s’excla­mer « Mais que font les services sociaux ? ». Mais oui, au fait, que font-ils ? C’est juste­ment ce que nous décrivent les auteurs, respectivement éducatrice spécialisée et assistant social exerçant des mesures d’Ac­tion éducative en milieu ouvert. Leur témoi­gnage est d’autant plus précieux que ce tra­vail est méconnu et surtout peu médiatisé. Violences physiques, agressions sexuelles, actes de cruauté, négligences lourdes, mal­traitance psychologique subies par les enfants ; addictions, précarités, maladies, acculturation, épuisement des parents… les circonstances de l’action de la protec­tion de l’enfance répond à des situations de véritables mises en danger.
Cette confrontation à une réalité souvent douloureuse, voire sordide est suffisam­ment éprouvante pour que les travailleurs sociaux du service employeur des deux auteurs fonctionnent en binôme. Douter de la justesse de ses évaluations, doubler les points de vue, éviter un face-à-face par trop déstabilisant… ces postures que faci­lite l’intervention à deux permet de garder la seule posture légitime : l’humilité. L’ac­tion éducative demande du temps d’écoute, d’observation, de décryptage des (dys)fonc­tionnements familiaux. Même si, comme le prétend la télé, quelques phrases bien sen­ties ne suffisent pas à régler les problèmes, l’échange verbal, le dialogue et la parole restent néanmoins les principaux outils utilisés par les professionnels. Les nom­breuses situations décrites ici provoquent l’indignation ou émeuvent, au gré de ces rencontres improbables, dramatiques ou cocasses, étonnantes ou routinières, trau­matisantes ou gratifiantes.
Mais tout ce travail déployé avec patience et bienveillance est aujourd’hui miné par l’envahissement de logiques managériales déshumanisantes (le quantitatif des normes qualité et des procédures l’emportant sur le qualitatif de la relation), le manque criant de moyens (exigence de résultats visibles, alors que certaines mesures ordonnées restent en attente des mois) et la perte de sens (mise en concurrence des différents services dans une logique mercantile). La résistance s’orga­nise : des collectifs se mobilisent et mènent des actions de sensibilisation pour mieux faire connaître la nature de ce travail et tout ce qui le menace. Que ce livre puisse partici­per activement à cette visibilisation, c’est ce que l’on peut lui souhaiter de mieux.
Jacques Trémintin


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