N° 1239 | Le 13 novembre 2018 | Par Jacqueline Audoin, formatrice | Espace du lecteur (accès libre)

Surveillants de nuit et maîtres de maison • Écriture et oralité

Thème : Ecriture

L’association régionale des instituts de formation en travail social (Arifts) contribue depuis près de douze ans à la qualification des surveillants de nuit qualifiés et des maîtres de maison avec l’objectif d’accompagner la valorisation de ces métiers et des professionnels qui les pratiquent. Il s‘agit de leur permettre de développer des compétences qui leur donnent la légitimité pour exercer au sein des équipes pluriprofessionnelles. La question de l’écriture, de s’autoriser à écrire leurs observations traverse leur questionnement professionnel. Dans une démarche créative, un travail d’écriture est mené avec un formateur où chacun produit un texte sur «  On cause du travail  ». Ce qu’ils écrivent parle de leur quotidien de la nuit ou de la journée, de la rencontre avec une histoire d’enfants, des émotions… de leur place bien singulière au sein de l’institution.

Mais au-delà du contenu, et en tant que responsable pédagogique, c’est bien cet exercice d’écriture et d’oralité réalisé par ces professionnels qu’il m’intéresse de valoriser. Les séances sont faites pour apprendre à nommer son activité, son métier. Quand un professionnel est éloigné de l’usage de la langue écrite, il manque souvent des mots pour dire ce qu’il fait et comment il le fait. Or, aujourd’hui, il faut savoir dire ce qu’on fait dans un monde où la traçabilité est incontournable. À partir de là, deux entrées sont préconisées. L’une plutôt affective et subjective, l’autre plutôt rationnelle et cognitive. Les participants vont parler de la condition de maître de maison ou de surveillant de nuit au travers de situations problèmes rencontrées, mais aussi de la fierté d’être à cette place, ou encore en racontant une anecdote sur leur vécu au travail. Dans la relation à l’équipe, la relation aux usagers, ce qui fait événement mène tout aussi bien à savoir résumer une situation en tant qu’incident ou à rendre compte d’une anecdote autour du sensible. Dans le premier cas, il pourra évoquer les procédures qui n’ont pas été respectées ou à renforcer. Mais l’événement est aussi ce qui génère des émotions et renvoie à une lecture subjective des situations. Et comme l’émotion est universelle peut-être plus encore que la connaissance, il s’avère opportun de privilégier le vécu incorporé.

La condition du professionnalisme

Les apprenants s’adressent toute à tour au formateur dans un coin de la salle pour évoquer une situation de travail et celui-ci sélectionne des phrases du langage oral qui forment la base d’un futur poème. Puis il réalise un montage avant de solliciter la personne pour élaborer le poème finalisé en dialoguant et en reformulant les tournures de phrases. Ainsi, le texte sonne à l’oral tout en respectant la parole de l’auteur de l’expérience. La succession des séquences pédagogiques voit son dénouement par l’organisation d’une scène de slam. Chaque participant déclame son texte devant une assistance de pairs et de spectateurs extérieurs conviés pour l’occasion. Le vécu au travail est à la fois pris à bras-le-corps et fait l’objet d’une prise de distance pour être transmis à d’autres. Les candidats à la qualification auront donc cheminé. Leur quotidien entre dans un récit d’expériences de vie. Ainsi va l’élaboration de l’affectif au cognitif. La condition du professionnalisme.