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■ ACTU - CAF, dans l’oeil de l’algorithme

« Tout a commencé quand deux de nos membres ont attiré notre attention sur les pratiques discriminatoires et maltraitantes des CAF », explique Didier Minot de Changer de cap, collectif dont l’objectif est de favoriser la convergence entre les revendications sociales et écologiques pour préserver les services publics et l’environnement.



Les agents de la CAF sont tenus d’"assurer aux allocataires l’information sur la nature et l’étendue de leurs droits, de leur prêter concours pour l’établissement des demandes", sauf que désormais les guichets sont fermés. ©Myriam Léon 
« En début d’année, on a donc lancé un appel à témoignages auprès de 600 travailleurs sociaux travaillant auprès des publics concernés la caisse d’allocations familiale. On s’attendait à une dizaine de réponses, mais à notre grande surprise il y en a eu une centaine et ça continue d’arriver. » Ces remontées font toutes états de contrôles répétés et intrusifs visant principalement les allocataires les plus précaires. « On a réalisé qu’on touchait à un problème d’envergure, systémique, qui pourrait impacter 7 millions de personnes. » Soit tous les allocataires dont les prestations sont soumises à des conditions de ressources ou de situation familiale : RSA, AAH, prime d’activité et allocations logement.

Cibler les allocataires à risque

En fait, paramétré pour traquer les erreurs dans les déclarations, un algorithme cible en priorité ces bénéficiaires jugés à « risque ». Ce ciblage engendre des conséquences potentiellement désastreuses, puisqu’en attendant les résultats des contrôles, les allocations restent suspendues. Femme âgée contrainte à la mendicité pendant un an avant une réouverture de droits et le versement d’un rappel, co-location assimilée à du concubinage, suspension du RSA pendant 16 mois puis reprise sans aucune explication, non déclaration d’une aide parentale considérée comme une fraude et non comme une erreur… Les histoires se succèdent avec leurs lots de situations qui se dégradent et de troubles psychiques en lien au stress ainsi généré. « Il y a une dizaine d’illégalités dans la manière dont les Caf opèrent les contrôles, constate le militant. Pour commencer, le droit à l’erreur est inscrit dans la loi, pour qu’il y ait fraude, la faute doit être intentionnelle. Or sur le terrain, la situation dépend des départements, mais souvent les contrôleurs travaillent à charge. »

Atteinte au droit à l’erreur

Après un an d’analyse des dossiers, le collectif citoyens rend public des préconisations pour que la Caf renoue avec sa raison d’être selon le code de la sécurité sociale : « les organismes débiteurs des prestations familiales et leur personnel sont au service des allocataires. » Elles ciblent la réduction d’effectif et la dématérialisation à marche forcée : interdir les décisions automatiques et les suspensions préventives des droits, la réouverture de l’accueil physique des usagers par des agents qualifiés, l’embauche d’au moins 3000 agents, l’arrêt du recours massif aux prestataires privés dans la gestion du numérique… Changer de cap s’intéresse également aux conditions d’exercice des agents de la CAF suite à suppression de 2500 postes et lance un appel à témoignage auprès des agents. À vos plumes.

Myriam Léon

À lire aussi dans Lien Social n°1294 : Allocations familiales • CAF investigation et dans le n°1262 : Travail social en CAF • Un îlot préservé ?