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🖋 Autoportrait de travailleur social ‱ Claude, assistante de service social en polyvalence de secteur

Autoportrait de Claude, assistante de service social en polyvalence de secteur.


«  À l’ñge de 9 ans, j’avais rĂ©flĂ©chi Ă  l’organisation de la sociĂ©tĂ© : je trouvais qu’un systĂšme de rĂ©partition et de redistribution des richesses devait ĂȘtre mis en place pour donner les mĂȘmes chances Ă  tout le monde »
Quel mot, adjectif, associez-vous spontanĂ©ment au travail social ?

Tolérance.


Pour quelles raisons avez-vous choisi votre mĂ©tier ?

Petite fille, j’avais dĂ©jĂ  un sens assez dĂ©veloppĂ© de l’égalitĂ© et de la justice : je voulais ĂȘtre avocate. Je me souviens Ă©galement que vers l’ñge de 9 ans, j’avais rĂ©flĂ©chi Ă  l’organisation de la sociĂ©tĂ© : je trouvais qu’un systĂšme de rĂ©partition et de redistribution des richesses devait ĂȘtre mis en place pour donner les mĂȘmes chances Ă  tout le monde. J’étais dĂ©jĂ  « gauchiste » sans le savoir !


Quelle formation avez-vous suivie ?

AprĂšs quelques annĂ©es d’enseignement comme institutrice, j’ai prĂ©parĂ© le DiplĂŽme d’État d’assistante de service social Ă  l’École de travail social de Chaligny (Paris) et je l’ai obtenu en 1989. J’ai travaillĂ© deux ans et demi au service social de la SNCF en rĂ©gion parisienne puis depuis 1997 j’exerce en polyvalence de secteur dans les Alpes.
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Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?

Je n’ai pas un meilleur souvenir en mĂ©moire mais de nombreux instants que je qualifierais d’émouvants, des regards, des sourires, des mercis et des pleurs aussi, ceux qui libĂšrent et font du bien. Parfois un petit cadeau, un pot de confiture fait maison, un gĂąteau « Ă  partager avec vos filles », un courrier disant : « merci pour tout ce que vous avez fait pour moi... vous ĂȘtes une trĂšs bonne assistante sociale ».
Et rĂ©cemment, un jeune homme qui lors d’un rendez-vous en prĂ©sence de plusieurs intervenants, explique qu’il n’aime pas demander de l’aide mais prĂ©cise (en parlant de moi) : « oui, mais Mme X ce n’est pas pareil, elle est sincĂšre  ». Quel beau compliment.


Le pire ?

Une femme arrive au service social accompagnĂ©e par des voisines. Elle s’était sauvĂ©e de chez elle, oĂč elle Ă©tait enfermĂ©e par son mari, en sautant par la fenĂȘtre du rez-de-chaussĂ©e. Elle Ă©tait marquĂ©e sur le visage et avait deux dents cassĂ©es. AussitĂŽt, mes collĂšgues et moi l’avons prise en charge, accompagnĂ©e Ă  l’hĂŽpital, orientĂ©e vers un accueil d’urgence et mise en relation avec une association spĂ©cialisĂ©e dans l’accompagnement des femmes victimes de violences conjugales. Puis elle a Ă©tĂ© conduite vers un foyer spĂ©cialisĂ© dans une autre ville et accompagnĂ©e par une avocate travaillant pour l’association spĂ©cialisĂ©e. Sur dĂ©cision du Juge des enfants, ses enfants l’ont rejointe au foyer. Mais assez vite, ils ont Ă©tĂ© placĂ©s car elle avait un comportement inadaptĂ© avec eux (vraisemblablement dĂ» aux violences qu’elle avait subies) et ils prĂ©sentaient des troubles graves. Puis petit Ă  petit, son mari a rĂ©ussi Ă  rentrer en contact avec elle et son comportement s’est modifiĂ©. Elle a finalement changĂ© sa version des faits en disant que les travailleurs sociaux l’avaient manipulĂ©e et obligĂ©e en quelque sorte Ă  quitter son mari. Elle a eu des propos trĂšs durs Ă  notre Ă©gard et s’est mĂȘme montrĂ©e agressive. Elle a retirĂ© sa plainte et est finalement retournĂ©e vivre avec son mari. Le couple a expliquĂ© au Juge des enfants qu’ils allaient partir vivre dans leur pays d’origine et le placement a pris fin. Finalement, Monsieur est restĂ© en France, sa femme et ses enfants sont partis Ă  l’étranger dans sa famille. Nous ne savons pas ce qu’ils sont devenus.
Mes collĂšgues et moi avons vĂ©cu cette situation comme un Ă©chec car nous Ă©tions trĂšs investies auprĂšs de cette femme et pensions pouvoir l’aider Ă  se dĂ©faire de l’emprise et de la violence exercĂ©es par son mari.


Quel est votre livre de chevet ?

Je ne lis quasiment jamais de livres ayant trait Ă  mon travail, je cherche plutĂŽt Ă  m’évader dans la lecture. NĂ©anmoins, j’ai beaucoup aimĂ© le roman d’Emmanuel CarrĂšre : D’autres vies que la mienne (Éd. P.O.L, 2009) oĂč il relate, entre autres, le combat d’une jeune juge s’occupant de dossiers de surendettement qui s’épuise jusqu’au bout - elle est atteinte d’un cancer - pour dĂ©fendre les plus dĂ©munis qui n’ont comme seul recours, pour arriver Ă  vivre, que de s’endetter jusqu’à ne plus pouvoir faire face.



Retrouvez les précédents autoportraits

🖋 Murielle A., Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e en centre d’hĂ©bergement et de rĂ©insertion sociale (CHRS)

🖋 Thierry Trontin, co-gĂ©rant de la SCOP Voyageurs-Éducateurs et d’un lieu de vie et d’accueil

🖋 Laurence, rĂ©fĂ©rente de parcours du Programme de rĂ©ussite Ă©ducative

🖋 Romain Dutter, ex-coordinateur culturel au centre pĂ©nitentiaire de Fresnes

🖋 Yazid Kherfi, mĂ©diateur tout terrain


Vous ĂȘtes tentĂ©s par l’exercice d’autoportrait de travailleur social ? Vous souhaitez partager votre expĂ©rience ? N’hĂ©sitez Ă  nous contacter Ă  l’adresse suivante : katia.rouff@lien-social.com