N° 868 | Le 17 janvier 2008 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Adolescentes et mères - Leurs enfants, leurs amours, leurs hommes

Pierre Kammerer


éd. érès, 2006 (374 p. ; 25 €) | Commander ce livre

Thème : Maternité

Quand un psychanalyste séjourne dans un centre éducatif pour « adomamans », comme Anjorrant (cf Lien Social n°664), cela donne un ouvrage d’une grande richesse. Bien sûr, traînent ici et là quelques affirmations imprudentes et malheureusement persistantes qui continuent à faire froid dans le dos, tel l’entêtement à vouloir attribuer aux enfants des pensées qui ont contribué pendant des décennies à nier les agressions sexuelles : « La fille énamourée éprouve, à l’âge œdipien, tant de fantasmes et des angoisses de viol par son père » (p.56). Mais nous ne saurions réduire la pensée de l’auteur à ce type d’assertion. Bien au contraire, il utilise notamment la psychanalyse pour analyser avec une tout autre finesse et pertinence le fonctionnement de ce type d’établissement.

Le pari d’Anjorrant, explique l’auteur, est d’accueillir la compulsion de répétition, en faisant tout pour la mettre en échec dans ses aspects mortifères. Toutes les conditions sont créées pour que le désir exprimé à l’entrée devienne réalité : « Je vais donner à mon enfant tout l’amour que je n’ai pas eu ». Non seulement, ce potentiel est reconnu, mais il va être amplifié par une action de déculpabilisation, de renarcissisation, et de responsabilisation. On commence par partir d’où en est la maman : il n’est pas facile pour cette jeune fille le plus souvent esseulée, sidérée, angoissée et meurtrie de se montrer toujours disponible pour son enfant. Ainsi une crèche fonctionnant 24 heures sur 24 propose-t-elle d’accueillir le bébé dans une dynamique qui facilite la possibilité pour la mère d’investir la vie scolaire, professionnelle ou affective propre à son jeune âge, tout en permettant à l’enfant de vivre certains de ses temps fondateurs auprès d’autres maternantes. Un peu comme peuvent le faire des familles maghrébines ou africaines au sein desquelles des jeunes tantes ou grandes sœurs s’essayent à la fonction maternelle, tout en relayant la mère. La « règle d’or vise à un équilibre instable : suppléer la mère et compenser ses carences sans jamais se substituer à elle » (p.258).

Ce sont les puéricultrices qui jouent ce rôle, au risque d’être vécues comme rivales potentielles susceptibles, de par la complicité affectueuse qu’elles tissent avec l’enfant, de disqualifier les mères. Quant aux éducateurs hommes, ils ont en charge d’accueillir et de faire chuter les provocations parfois explicitement sexuelles que leur adressent des pensionnaires en quête de l’image d’un père bien investi pour certaines, absents ou ambivalents pour la plupart. Les professionnels se doivent de rétablir le seul message structurant possible : apprécier la féminité de ces jeunes mamans, tout en signifiant l’interdit afin de les inciter à se tourner vers d’autres partenaires. Objets de transferts tant positifs que négatifs intimement liés à l’histoire de la jeune fille, les adultes se doivent de faire un pas de côté et de continuer à proposer leur accompagnement.


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