N° 760 | Le 7 juillet 2005 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Accueillir les parents de jeunes enfants

Suzon Bosse-Platière


éd. érès, 2004 (222 p. ; 23 €) | Commander ce livre

Thème : Enfance

Tous les jours, de très nombreux parents confient leur bébé ou leur jeune enfant à des personnes étrangères à la famille. Pour être ancestrale, cette pratique ne s’en est pas moins amplifiée ces dernières décennies, multipliant le nombre d’accueillantes professionnelles. L’étude présentée ici est le produit d’une recherche-action menée auprès de huit équipes d’intervenantes de la petite enfance (crèche, halte-garderie, assistante maternelle, école maternelle).

Donnant largement la parole aux actrices de terrain, l’auteur dresse un tableau plein de finesse et de pertinence. Les relations de confiance tissées entre les adultes sont au cœur du bien-être des enfants, explique-t-elle d’emblée. Du côté des accueillantes, « accueillir un enfant, à l’âge de sa grande dépendance à l’adulte, c’est accueillir sa mère et son père » (p.15). Les relations quotidiennes avec les parents ont une place importante dans leur travail du fait du jeune âge de l’enfant mais aussi du fait du besoin légitime de reconnaissance. La qualité de ce lien dépend en grande partie de leur capacité de se rendre disponible, d’échanger régulièrement et de s’adapter à chacun.

Du côté des parents, la séparation n’est pas toujours chose facile : « pour toute mère, se séparer de son enfant c’est accepter qu’il s’attache à une autre que soit » (p.69). Est-ce alors déléguer ou se décharger sur des professionnelles ? Toute velléité de ces dernières de remplacer le parent absent sera souvent mal vécue. Ce sont les moments d’arrivée et de départ qui constituent l’épreuve la plus pénible, chacun attendant que l’autre gère cette situation délicate. Les professionnelles ont souvent le souci d’anticiper et de préparer la séparation du soir, en la verbalisant et en la ritualisant afin d’en atténuer les effets douloureux. Elles attendent de la mère qu’elle en fasse autant, sans toujours réussir à comprendre ce qui se joue alors. Il est pourtant bien paradoxal, à la fois de se construire comme parent de son enfant au moment même où on vous demande de vous en séparer ! Les accueillantes manquent alors souvent de grille d’interprétation leur permettant de se sentir ni coupable, ni mise en cause dans leurs compétences.

Accueillir et éduquer les enfants des autres, c’est devoir faire au quotidien avec les divergences éducatives, certains parents pouvant avoir des exigences plaçant l’accueillante en contradiction avec ses propres convictions. C’est aussi entrer dans l’intimité des familles, l’odeur, l’aspect du bébé et la façon dont il est habillé, témoignant des habitudes de vie et d’hygiène familiale. La suspicion manifestée parfois par les parents est à la mesure de cette intrusion. Finalement, « la confiance des parents n’est jamais acquise d’emblée ; elle se construit peu à peu. Elle est à consolider en permanence » (p.77).


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