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★ INITIATIVE - Personnes à la rue • « Nous ne sommes pas en voyage »

« Quand t’es dans la merde t’es invisible », Marc vit dans un hôtel porte d’Ivry. « J’ai deux angoisses, un c’est le boulot, j’ai envie de bosser point barre, et le logement. Moi retourner dans la rue je me jette sous une voiture, je le refais plus, je peux plus le refaire, j’ai plus la force ».

Marc fait partie d’une série de portraits réalisés par un travailleur social-photographe, Michaël Mosset, pendant le confinement. Les portraits accompagnés des témoignages des personnes photographiées seront exposés à partir du 9 juillet au soir sur les murs extérieurs des Grands voisins dans le 14ème arrondissement de Paris, occupation temporaire de l’hôpital Saint-Vincent de Paul. L’ensemble de la série intitulée "Nous ne sommes pas en voyage" peut être vu sur ce site.

Michaël Mosset a pris en photo les personnes qui se rendaient à l’accueil de jour des Grands voisins. Le photographe travaille avec un Afghan box, un appareil photo de rue ; il exige du temps, de l’installation, donc une rencontre avec la personne photographiée. Pas de photo volée, mais un échange qui permet le témoignage à l’appui des portraits.

« Des gendarmes m’ont dit que l’Etat a requisitionné des chambres d’hôtels pour les SDF pendant le confinement mais ça j’en ai pas vu la couleur », témoigne Gérard. Paris était désert, beaucoup d’accueil de jour fermés et les personnes sans abri cherchaient un endroit où dormir ou se reposer. Au début de la crise sanitaire, alors que les pouvoirs publics annonçaient des opérations de mise à l’abri, entre le 26 mars et le 10 mai, l’accueil de jour des Grands voisins enregistre 166 demandes auprès du service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO) qui gère l’hébergement d’urgence en Ile-de-France. Seules cinq d’entre elles ont abouti à un hébergement. Toutes les autres sont restées pendant tout le confinement sans solution.

« J’ai ma voiture. J’ai mon duvet au cas où. Le 115 je leur dois de l’argent. L’hôtel social en fait c’est pas très social ça coute hyper cher en vérité, c’est plus de 2000 euros par mois pour une chambre avec mes trois enfants », raconte Linda. Pour les Grands voisins, « En mettant en lumière la pluralité des parcours et histoires, cette exposition cherche à montrer les difficultés d’hébergement pour ces personnes trop souvent invisibilisées ».

Aujourd’hui, veille du 10 juillet qui marque la fin de la trêve hivernale, les associations s’inquiètent de la possible remise à la rue de milliers de personnes hébergées pendant le confinement. Leurs portraits sur les murs des Grands voisins racontent les cheminements singuliers qui mènent à la rue et les luttes pour en sortir.