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★ INITIATIVE - Des assises locales pour coordonner la solidarité avec les migrants

Alors que l’opinion publique se mobilise, sensibilisée au sort des réfugiés ukrainiens, nombreux sont celles et ceux qui se sont engagés, bien avant, pour soutenir les migrants.
A preuve, l’intense action du riche tissu associatif de Saint Nazaire (en Loire atlantique) agissant à bas bruit dans une solidarité quotidienne. Il fallait que toutes ces initiatives se coordonnent. Quinze associations et collectifs, partis et syndicats avaient décidé d’organiser des « assises locales de la solidarité avec les migrant(e)s  ». Il y eut finalement trente groupements pour parrainer ces premières rencontres qui ont drainé plusieurs centaines de participant(e)s aux différents temps proposés tout au long de la journée du samedi 19 mars.



Lieu d’échanges et de rencontres associatives

État des lieux

Temps fort de cette manifestation : l’organisation de sept ateliers déclinant les différentes dimensions de la problématique migrante (accès au travail, à la santé, à la langue, hébergement-subsistance-mobilité, femmes migrantes, défense des droits, mineurs migrants). Les témoignages s’y sont multipliés.
« Alors que cela se passe différemment ailleurs, le préfet de Loire Atlantique a interdit à la DIRECCTE (direction du travail) d’autoriser le recrutement de sans- papiers dans des secteurs pourtant en tension qui ne trouvent pas de salariés.  »
« Certains employeurs sont en recherche de stagiaires qu’ils sont prêts ensuite à recruter, mais se heurtent à des dossiers si complexes à remplir en ligne qu’il y a de quoi décourager les bonnes volontés. »
« Le droit est un labyrinthe kafkaïen : il faut un travail pour obtenir une carte de séjour, elle-même nécessaire pour travailler. Obtenir un logement HLM est conditionné par la détention de cette carte qui ne peut s’obtenir que si on a … un logement ! »
« Quand les employeurs ont besoin de main d’œuvre, ils n’hésitent à faire appel à des migrants, que ce soit des médecins étrangers dans les services hospitaliers, des employés dans les centres de tri ou les plateformes téléphoniques ou encore des ouvriers agricoles marocains pour les récoltes du sud de la France. Quand il n’y en a plus besoin, ils se font jeter. »
« Les recours juridiques mènent souvent à des impasses, car le droit n’est pas favorable, une législation d’exception étant conçu contre les migrants  »
«  Les services d’interprétariat sont réduits, la solution de remplacement proposée étant Google ! »
« La trêve hivernale n’est pas applicable aux sans-papiers  »
«  La décision de rendre payantes les visites aux urgences peut décourager les migrants sans ressources »



Le travail en ateliers

La solidarité plus forte que le droit

Ici, c’est Accueil d’abord, créé par les trois églises chrétiennes qui héberge un couple débouté du droit d’asile et son enfant, dans un logement du diocèse.
Là, ce sont les Hébergeurs solidaires nazairiens qui accueillent à leur domicile des mineurs non accompagnés scolarisés dans la ville.
Ailleurs encore, ce sont des parents de l’enseignement catholique qui se sont mobilisés pour financer les études de jeunes mineurs isolés en collèges privés, quand le rectorat refusait de les scolariser dans le public.
Sans oublier Accueil Fraternel Loire et Sillon travaillant, main dans la main, avec un CADA pour intégrer les demandeurs d’asile à leur territoire
Mais aussi ce collectif des Brévinois attentifs et solidaires soutenant l’ouverture d’un centre d’hébergement pour migrants dans leur commune.
Et puis, toutes ces associations non gouvernementales agissant au quotidien auprès des migrants : Amnesty international, Fraternité protestante, Ligue des droits de l’homme, Secours Catholique, Unies contre l’immigration jetable …



Recueillir des propositions

Des initiatives possibles

Des sept ateliers proposés, il était attendu des propositions. Elles ont surgi en feu d’artifice !
« Aucun décret d’application n’a jamais transposé la directive européenne en date de 2001 étendant les droits des réfugiés. Il a fallu attendre le 4 mars pour qu’elle le soit, répondant ainsi à l’afflux des réfugiés ukrainiens. La protection temporaire ainsi activée (renouvelable tous les six mois pendant trois ans) permet l’obtention d’une carte de séjour, l’accès à l’emploi, à un logement, à une allocation etc…. Il y a là une jurisprudence à utiliser pour faire valoir les droits des autres réfugiés. »
« Solliciter les CCAS pour qu’ils accordent des bons de transport aux migrants devant se rendre à l’hôpital et aux demandeurs d’asile convoqués à l’OFPRA ou à la CNDA  »
« Créer un réseau de bénévoles susceptibles d’être aux côtés des migrants, lors de leurs démarches auprès des différentes institutions (CPAM, CAF, CCAS …) qui se montrent bien plus coopérantes, quand il y a cet accompagnement.  »
« Élaborer un guide des ressources locales, répertoriant les coordonnées des services, associations, démarches pour aider les migrants et les bénévoles qui les accompagnent.  »
« Déployer un réseau de parrainage pour le soutien scolaire des mineurs non accompagnés »
« Faire monter en compétence les bénévoles des associations par la mutualisation des outils et par la formation »
« Puisque le travail des sans-papiers n’est pas possible légalement, utiliser le CESU qui ne nécessite qu’un numéro de sécurité sociale : il suffit alors de donner celui obtenu au moment du dépôt de la demande d’asile »
« La régularisation des femmes de ménage sans papier en grève dans les grands hôtels montre que la mobilisation syndicale peut payer  »
« Si le recours au droit est important, il ne faut pas négliger les actions qui agissent à sa marge, quand les démarches juridiques s’enlisent. Il faut, par exemple, soutenir des initiatives comme celle de ces deux habitations, appartenant à la mairie, transformées par le Collectif Urgence sociale en maisons d’hébergement solidaires »
« Combattre les mensonges sur l’immigration qui coûte plus cher quand on la combat que lorsqu’on l’intègre »
« La circulaire Valls permet une régularisation après huit mois de travail chez un employeur qui est infiniment plus sanctionné en cas de travail au noir, que s’il signe un contrat de travail sans passer par la direction de l’emploi »

Autant de pistes mutualisables bien au-delà de Saint Nazaire



Synthèse des propositions


Jacques Trémintin


Photographies : ©Eric Sneed