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J’ouvre les yeux et je ressens une boule de tristesse au creux de mon ventre. Je reste allongée, incapable de me lever. Des images en noir et blanc, issues d’une époque a priori révolue, flashent mes pensées matinales et plombent mon énergie. J’aperçois une enfant blondinette qui serre dans ses bras un petit chien mort ; une nuée de personnes avance en tirant des charrettes, bondées de ce qui reste de la vie d’avant. Je ne vois pas seulement, j’entends aussi Paulette appeler désespérément Michel. L’exode, c’est ça qui flotte et perturbe mon esprit. Jeux interdits, le noir et le blanc, et, soudain, l’histoire de mes parents se transposent, 80 ans plus tard, en couleurs, cette fois. Quand les images d’exode se colorent, ça parle du présent, du présent que jamais je n’imaginais vivre. Pas simplement moi, non, mais ceux que j’aime : mes enfants, mes petits-enfants, mes amis et tous ceux, en devenir, que je ne connais pas.
Hier, c’est aujourd’hui ; loin, c’est à deux pas. Cette proximité, ça fait trébucher, ça angoisse, ça bouleverse le cours des choses et des idées, ça renvoie au petit confort minable qui rassure, alors que d’autres tentent de sauver leur peau ou s’arment et se battent, car ils ont peur de perdre leurs libertés, leur démocratie et leur pays...
C’est le relent d’une troisième guerre mondiale qui gronde à nos portes ! C’est l’éternel recommencement de l’Histoire qui, à chaque époque, dégote son despote, son fou furieux, son tyran. On sait bien, hélas, que ces malades ne lâchent jamais et vont au bout de leur logique destructrice. C’est bien pour cette raison que je suis rattrapée par cette peur ; elle se glisse insidieusement dans mon sommeil et bouleverse mon éveil. Les images du passé se confondent à celles du présent, le noir, le blanc et les couleurs se heurtent, ou se mélangent, et dégoulinent en teintes sombres tout le long des murs de ma chambre. Les lendemains qui déchantent, c’est maintenant.