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► LE BILLET de Ludwig • Intérimaire

J’ai été intérimaire et je n’en suis pas fier. N’en déplaise à certains qui du social en sont mercenaire. Pas fier de voir mes valeurs du sens collectif et du service au public piétinées de la sorte dans un secteur de plus en plus marchand. Marchand sur la tête, oui. Les métiers du social manquent d’attractivité ? Ben tiens ! Il paraît que certaines équipes vont même jusqu’à 60% de non diplômés. Il ne faut pas s’étonner du manque de qualité du travail réalisé, voire de la médiocre qualité de vie au travail.
Alors, j’ai fait de l’intérim, et j’ai constaté aussi la dérive. Celle de la chalandisation du travail social, cette rationalisation des organisations, avec l’entrée de la logique du marché dans le champ du social, qui prépare la possibilité de la marchandisation du social, pour reprendre Michel Chauvière. Une véritable foire d’empoigne à l’annonce des missions : c’était à qui était le plus prompt à répondre ! Ah ça, j’ai vu des institutions perdues, et rencontré différents profils d’intérimaires.
Parmi eux ; ceux qui, épuisés, ont eu besoin de quitter leur milieu professionnel pour s’en protéger, et au besoin de nourrir leur famille.
D’autres, qui du fait de leur situation personnelle, peuvent ainsi faire leur planning à leur guise, sans dépendre d’une (dés)organisation d’équipe.
Puis celles qui grattent un max pour partir trois mois en voyage, parce que l’intérim, ça paie !! Alors elles enchainent les heures, parfois en dépit du code du travail et des bénéficiaires, bien évidemment.
Enfin, il y a les « intérimaires engagés » qui ont une certaine conscience professionnelle et souhaitent une continuité de leurs missions auprès d’un même établissement et /ou public, afin de s’y investir, tout en étant détachés des problématiques institutionnelles ou d’équipe. J’y ai aussi fait de chouettes rencontres, rassurez-vous. Et s’ils me lisent ici, je les salue chaleureusement.
Je n’ai pas vécu là mes meilleures expériences. L’intérim est-il une conséquence du manque de professionnels, visant à combler les postes inoccupés et sous-payés, ou bien une des causes participant au délitement de professions maltraitées ? Quoiqu’il en soit, les effets d’un tel système sont des plus néfastes : casse des collectifs, travail de qualité en berne, maltraitance des usagers par manque de formation, désorganisation d’équipe et turn-over, perte de sens des salariés. Quand vous avez, à vos côtés, un intérimaire bien mieux payé que vous, sans les contraintes inhérentes, une idée vient alors à vous traverser la tête : partir… Pour mieux revenir, en intérim !
Alors que même certaines directions tirent la sonnette d’alarme pour alerter sur la situation désastreuse du secteur médico-social et le manque de personnel, moi, j’ai retrouvé du boulot à plein temps. J’ai ouvert ma boîte d’intérim ! Mais non, j’déconne !