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► LE BILLET de La Plume Noire • Un monde sans chef

François Durand, éducateur spécialisé de son état, rêve d’un monde sans chefs. Un monde institué sur les fondements de l’anarchie, cette forme supérieure de l’organisation, cette forme de désordre qui est comme nous le rappelle ce bon vieux Léo « l’ordre moins le pouvoir »(1). Un monde où chacun.e aurait tellement intégré la loi qu’il ne serait pas nécessaire d’avoir des juges, ces fous croyant pouvoir juger et condamner l’humain, pour la faire respecter.
Mais un monde sans chefs est parait-il utopique. Pourtant, élire quelqu’un tous les cinq ans en s’imaginant que cela va changer quelque chose, là est la véritable utopie.
Non, décidément, François Durand n’aime pas les utopies qui ne sont au bout du compte que le fantasme d’un monde parfait et sans failles avec toute les dérives totalitaires qui peuvent naître à désirer la perfection. Alors, nulle question d’utopie mais bien d’anarchie.
Dans son délire, il se dit que le travail social pourrait-être un bon terrain d’expérimentation, une belle aire de jeu, pour se risquer à l’anarchie, pour « la mettre en place », selon cette expression chère au secteur.
Le travail social prône l’entraide entre les individus ; se targue de vouloir gommer les inégalités, de favoriser l’émancipation des laissés-pour-compte ainsi que leur libre expression, avec comme visée ultime, dans ce combat au quotidien dont il se gargarise, une place pour tout un chacun.e au sein de notre société et la rendre ainsi plus égalitaire. Étrangement, ce principe égalitaire porté tel un flambeau ne voit que très rarement le jour au sein des institutions sociales. Vous n’avez qu’à demander ce qu’en pense l’enfant déviant puni dans sa chambre par des Zéducs qui tiennent à être respectés.
Le respect c’est important - On n’est pas des chiens tout de même, il y a des limites à ne pas dépasser ! - mais si ces Zéducs avaient intégré la loi, ils ne chercheraient pas tant à être respectés qu’à devenir respectables. Travail de longue haleine, j’en conviens et pour l’heure, ils se font juges et sanctionnent.
Le grand soir libertaire et égalitaire au sein des institutions en travail social n’est effectivement pas pour demain et ce d’autant plus lorsqu’une Zéduc, désarçonnée par l’attitude inadaptée d’une mère de famille en appelle à sa cheffe afin que la fauteuse de trouble soit recadrée.
Devant ce constat, l’enfant déviant pleure dans sa chambre. Les Zéducs l’ont averti. La prochaine fois, c’est dans le bureau du chef de service et si cela ne suffit pas, du directeur. Ces deux derniers accepteront-ils d’être mis à cette place d’autorité ultime, celle du père de la horde et de jouir ainsi du pouvoir conféré ? Nul ne saurait vraiment le dire…
En attendant, François Durand, éducateur spécialisé de son état, rêve d’un monde sans chefs.


(1) Le désordre, c’est l’ordre moins le pouvoir, Mots d’amour et autres provocations. Léo Ferré
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