L’Actualité de Lien Social RSS


► C’est quoi le problème ? Par Mélodie • Un ado comme les autres

« Y’a un connard chez moi, je veux pas qu’il soit chez moi ! » L’éduc s’approche du grand ado qui a le nez dans son téléphone et découvre sur l’écran un S.D.F ‒ qu’il croise souvent ‒ avachi sur le canapé du salon dudit ado. « Mais ! tu peux voir chez tes parents via ton téléphone ? » « oui, et je vais lui péter la gueule, il a rien à faire chez moi ! » Alors là, bravo, chapeau bas. Au-delà de toutes les questions qu’on est en droit de se poser sur le dispositif un tant soit peu tordu qui ouvre les portes de l’espace intime à distance, il en reste une grande autour des compétences de ce garçon de seize ans a priori déficient. Quand j’ai eu vent de cet échange, j’ai pris conscience du grand écart qui me séparait des jeunes d’aujourd’hui. Je ne suis pas tombée de Charybde en Scylla ‒ faut pas exagérer ‒ mais y’avait de quoi défaillir en prenant en pleine face la somme de mes incompétences. Je serais bien incapable de regarder ce qui se passe chez moi, quand je n’y suis pas, via mon téléphone. Il est super doué ce gosse, non ? Doué, c’est vrai, mais en y regardant de plus près, complétement inconscient. En effet, l’éduc a justement eu l’idée de se pencher sur le contenu de son téléphone et a découvert qu’il communiquait avec des inconnus sur WhatsApp, des personnes peu fréquentables qui risquaient d’utiliser sa fragilité et sa colère pour le manipuler et l’embarquer vers des sphères dangereuses. Mon enthousiasme naissant pour les dons du gamin s’est transmué en inquiétude. J’ai eu peur soudain ‒ sans le connaître ‒ qu’il se fasse happer par des gens mal intentionnés et qu’il ait du mal à s’en dépatouiller. Car c’est bien ça le plus grave : c’est souvent ceux qui ont le plus de facilité à maîtriser les nouvelles technologies qui ont le moins de maturité psychique. Il va de soi que je ne parle pas ici des administrateurs de réseaux informatiques, évidemment, mais des adolescents, en institution ou pas, qui vacillent. Eh oui, l’adolescence est ce passage terrible que nous avons tous vécu, cette transition qui peut soit bien se passer, soit partir en vrille si on ne tombe pas sur la bonne personne à laquelle s’arrimer. La révolte à fleur de peau, la quête de soi, le ça qui déraille, les pulsions qui s’éparpillent, les prises inconsidérées de risque, la grosse boule au fond du ventre, l’acné qui n’arrange rien, le corps qui bafouille, les mots qui trébuchent, le sentiment d’insécurité, la peur d’à peu près tout mais surtout des autres, de soi et du lendemain... Quand on est ado, on peut se saborder tout seul et faire de mauvais choix.



À lire aussi dans Lien Social n°1300 : Prévention spécialisée • Promenades sur le net


Lire aussi : archives sur
- La pratique professionnelle en travail social
- L’adolescence (Jeunes)