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► C’est quoi le problème ? Par Mélodie • On me dit que des imbéciles se sont glissés dans la salle...

Mystère de la nature inhumaine et prétentieuse ! Ça ne loupe jamais, je tombe immanquablement dans une sorte de sidération quand je croise l’improbable, l’irrespect ou... un troupeau de moutons. Quand mon état d’hébétude s’estompe, l’envie de hurler me saute à la gorge et je raconte ‒ à ceux susceptibles de rejoindre ma révolte ‒ l’objet de mon indignation. Chagrinée par le décès prématuré d’une jeune fille âgée de 17 ans, je rejoins la salle de cérémonie. La famille fait part que la cérémonie se déroulera dans la plus stricte intimité. En guise d’intimité, des personnes des moins attendues se sont pointées. L’une avait dit à la mère quelques mois plus tôt : vraiment vous m’avez fait beaucoup de peine, je n’en ai pas dormi de la nuit. La suivante se targuait d’avoir fait pleurer le père, quelques mois plus tôt, parce qu’il était arrivé en retard. Non loin, la troisième ‒ entourée de quelques collègues ‒ suivait sans gêne les précédentes. Cette dernière avait refusé d’accueillir cette enfant fragile à temps plein. La famille avait dû s’organiser pour la garder chez elle, puisque sa présence procurait trop de boulot à l’équipe !.. (Nouveauté insolite : y’a le bon handicap et le mauvais. Si tu as le bon, tu restes dans l’institution, si tu as le mauvais tu rentres chez toi !) et j’en passe... Ces personnes rejetantes se perçoivent intimes et débarquent donc aux obsèques. Non contentes d’être là, elles s’incrustent, continuent de causer alors qu’on leur somme de la boucler ou au moins de rester discrètes. C’est ça qui m’a révoltée : les brebis se sont ruées sur l’estrade alors que le maître de cérémonie venait d’annoncer : la cérémonie est finie, ceux qui veulent se recueillir peuvent se lever et s’approcher du cercueil pour rendre un dernier hommage à... et patatras ‒ non seulement elles ne savent pas lire mais en plus elles sont sourdes ‒. Dédaignant la demande explicite des parents, elles ont articulé quelques mots inaudibles. Et là, un flashback douloureux m’est tombé dessus. Trois ans plus tôt, des « presque » mêmes avaient osé entonner lors d’un enterrement : « Dans la troupe, y’a pas de jambes de bois, y’a des nouilles mais ça ne se voit pas ! ». Elles avaient la mine réjouie et moi j’étais atterrée ! Oui, la gosse adorait cette chanson. On peut nommer plutôt que mettre en scène. Mais c’est justement ça le problème ‒ la mise en scène ‒, se montrer aux dépens des sentiments éprouvés par des parents effondrés. Ces intrusions d’une rare violence sont honteuses. Des gens payés pour réfléchir au meilleur accompagnement possible bafouent le métier avec fierté et vulgarité. Leur outrecuidance et leur égocentrisme ont entravé au moins deux de leurs sens. Comment être humble et empathique sans une vue et sans une ouïe des plus affinées ? Des imbéciles se sont glissés dans la salle et ont gâché l’ultime moment, celui de l’adieu à une enfant.